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Poésie Chercher la petite bête

juillet 2023 | Le Matricule des Anges n°245 | par Guillaume Contré

Deux livres explorent la nature et la vie poétique qui la peuple pour y dénicher quelques remarquables spécimens.

Le Tombeau de Jules Renard

Nouvelles notes sur les noms de la nature

Les hasards du calendrier éditorial ont fait choir sur la table du rédacteur consentant deux opuscules ne dépassant pas la cinquantaine de pages, des plaquettes en vérité, qui vont piocher dans la faune et la flore la matière poétique de textes qui tiennent du haïku ou de la brève esquisse.
Si les Nouvelles notes sur les noms de la nature (qui font suite à un premier opus publié il y a six ans), de Philippe Annocque ont des fausses allures d’herbiers, Le Tombeau de Jules Renard (initialement publié en 2010 sous le titre 32 haïkus) d’Ivar Ch’Vavar s’assume de son côté pleinement comme bestiaire. Et si Annocque est avant tout romancier et Ch’Vavar décidément poète, les deux n’en partagent pas moins ici une certaine préoccupation pour l’image, qui trouve son prolongement (son incarnation) dans le recours à l’humour, voire au jeu de mots. Car, puisqu’il s’agit de plantes et d’animaux, ces choses vivantes si obstinément curieuses (pour notre regard), il convient avant tout d’exprimer l’étonnement ressenti face à leur présence, leurs drôles d’allures et de taxinomies.
Chesterton disait quelque part qu’il était inutile de s’encombrer de licornes et autres griffons, alors que le véritable merveilleux réside dans la découverte, contre toute attente, de l’existence réelle et ô combien invraisemblable d’un animal comme le rhinocéros, magnifiquement encombrant avec sa corne et son armure de chevalier teuton. Si celui-ci ne s’invite pas dans les haïkus animaliers de Ch’Vavar, puisque le poète s’en tient essentiellement à une faune locale (quoique l’autruche, cette « duchesse sortie cul nu », ait droit à un tour de piste), le lecteur n’y perd pas au change : ainsi, « le pigeon en vol » est-il une « torpille de fromage blanc / touillant l’air et se touillant / elle-même éperdument ». Et la (re)découverte inopinée de la taupe s’avère également une belle surprise : « cette mitaine dans l’herbe… perdue ? / je la retourne et il en sort / quatre petites mains humaines ».
Il s’agit de saisir avec les moyens poétiques ce que Laurent Albarracin, dans sa préface, nomme « “la bête”, dont la bestialité est à considérer d’abord comme une bêtise à rapprocher de l’idiotie, soit une singularité, une génialité ». Citant Éric Chevillard, qui a su lui aussi tirer tout le profit littéraire de l’animal dans sa splendide bizarrerie, il ajoute que celui-ci est une véritable « métaphore sur pattes ». Il porte donc déjà en lui l’image poétique, qu’elle soit à griffes, à poils, à sang chaud ou froid. C’est bien de l’apparence toujours incongrue de l’animal, dès qu’on prend le temps de l’observer, que naît le poème, et non pas l’inverse. C’est en cela que les haïkus faussement désinvoltes de Ch’Vavar font mouche, l’animal est là, sous nos yeux, en trois brefs vers. « C’est une femme à barbichette / curieuse – une intellectuelle / qui lit Heidegger couramment », telle est, effectivement, la chèvre. Quant à la poule, « picorant, elle montre à tous l’orifice / d’où tel œuf a glissé / dont elle-même est née ».
Mais peut-être l’étonnement face à la nature commence-t-il chez le naturaliste chargé de la nommer, d’où cette litanie de noms improbables désignant le vivant, véritable galerie d’objets trouvés. C’est ce que choisit d’explorer Annocque dans ses notes de quelques lignes, écrites pour saisir une intuition, une surprise, sans l’affadir par d’excessifs développements. On y croise enfin un rhinocéros : « Le rhinocéros laineux était un rhinocéros de grande taille. Le saule laineux est un saule aux dimensions modestes ». Mais cela ne s’arrête pas là, puisque « tiens, la houlque laineuse résiste à l’arsenic ». Quant à « la huppe », elle « pupule ». Ce n’est donc pas tant l’apparence des animaux (ou plantes) qui déclenche l’écriture pour Annocque, mais les images implicites contenues dans leurs noms, le résultat sans doute de ses pérégrinations dans des livres d’histoire naturelle, jamais avares en découverte pour le lecteur curieux et flâneur qui n’aurait fort heureusement pas perdu sa part d’enfance : « Le microtyran à calotte noire n’a pourtant pas l’air si terrible » ; « Le pika d’Ili n’est pas une espèce londonienne » ; « J’aime assez l’idée que sous les mêmes climats que le fromager pousse aussi l’arbre à pain », etc. Les « failles sémantiques », les « coïncidences », y font le beurre de l’écrivain joueur.

Guillaume Contré

Le Tombeau de Jules Renard
Ivar Ch’Vavar
Lurlure, 52 p., 9

Nouvelles notes sur les noms de la nature
Philippe Annocque
Éditions des Grands Champs, 40 p., 12

Chercher la petite bête Par Guillaume Contré
Le Matricule des Anges n°245 , juillet 2023.
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