Cela qui semble dépasser tout langage, la violence de la sensation, l’expérience et l’épreuve du grand dehors, André Velter, à 77 ans continue de le vivre et de le chanter avec fougue et feu. Son plaisir de dire, son être de souffle et de sang ne cesse d’inventorier et de refonder à neuf le champ du vivable. Toujours prêt à s’en remettre à la beauté, à répondre au surgissement de ce qui vient comme à l’appel de « l’inouï qui s’épouse » ou de « l’indicible qui se dévoile », sa vie consiste à trafiquer dans l’infini.
Cette façon de faire confiance à la part irréductible et sauvage qui le pousse à toujours aller de l’avant, trouve son origine dans un nomadisme qui « ne se cherche ni filiation ni alibi (…), ne paye tribut à personne, ne défend aucune cause en deça du démesuré, de l’inespéré, du sacrificiel ». S’extraire du grégaire, donner de l’espace au fugace, partir, repartir, c’est proclamer le droit à l’impossible, considérer l’inaccessible comme « un sommet de pure altitude, comme l’aimant majuscule de l’énergie noire. Invisible, il nous crée, visible, il nous détruit. Nous l’aimons les yeux fermés ». Et si les équipées au long cours deviennent plus difficiles, il reste possible de parier sur ce « nomadisme à demeure » capable de « déplier un autre monde, / immense tout soudain au-dedans de soi, / comme sous l’effet d’un éclair, d’une assonance, / quand un accord visionnaire prend le dessus // et qu’une prescience se fait présence ». Une poésie qui, toujours, ménage un espace hospitalier aux poètes aimés, et fait de l’amour l’autre face d’un même rapport à l’existence.
Activer, aviver, éveiller l’improbable possible, telle est la vie-Velter. Parce qu’il sait que plus haute que la réalité se tient la possibilité, qui est la sur-vie même.
Richard Blin
Trafiquer dans l’infini
André Velter
Gallimard, 136 pages, 15 €
Poésie Trafiquer dans l’infini
juillet 2023 | Le Matricule des Anges n°245
| par
Richard Blin
Un livre
Par
Richard Blin
Le Matricule des Anges n°245
, juillet 2023.