La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine français Exquises et sales idées fixes

février 2024 | Le Matricule des Anges n°250 | par Jérôme Delclos

Deux livres de Christophe Bier qui le confirment en obsédé militant. Pour adultes avertis… et éternels sales gosses.

Tout comme son cousin le tueur en série, l’obsédé a de la suite dans les idées fixes. Après Obsessions (Le Dilettante, 2017), et L’Obsession du Matto-Grosso (Le Sandre, 2022), Christophe Bier récidive encore et doublement : d’une part avec Obsessions bis, 132 chroniques 2016-2022 de l’émission de France Culture Mauvais Genres produite et animée par François Angelier, et d’autre part avec Fleurs de mâles signé « Léon Despair », l’un des pseudos de la mythique et sulfureuse « Sélect-Bibliothèque » (1906-1939) dont Bier, en ayant-droit dévoué, ranime les cendres chaudes.
Le dossier de presse présente à bon droit l’auteur en « assiégé voluptueux » : « cerné, harcelé, illuminé et propulsé » par ses lubies, artiste et dandy des « marges brutes ». Des marges très en marge, et très brutes. Il convient, pour le lire, d’abord de remiser dans un coin de sa tête sa morale, son éducation, ses préventions et principes et même parfois ses critères du bon goût (forcément toujours plus ou moins bourgeois). Et consentir alors à pénétrer dans un gore, un scabreux, un scandaleux théâtre. Mais érudit : telle chronique recense un livre sur l’âge d’or du catch français, telle autre un film de Tinto Brass, ou pourquoi pas pleure la disparition passée inaperçue, à deux années d’intervalle de « deux stars (…) du cinéma populaire argentin » : celles d’« Isabel Sarli, inoubliable nymphomane brune en fourrure » et de « sa concurrente blonde Libertad Leblanc », sanctifiée comme « la pécheresse blonde du Rio Negro ».
Le péché… Il y a chez Bier comme chez Sade, comme chez Léo Barthe alias Jacques Abeille, comme dans Le Cahier noir de Joë Bousquet, une religiosité du caché, de l’interdit, du vénéneux, qui n’a d’égale que celle des grands mystères païens. Témoin, entre 132 chapitres, le numéro 51 « Ode à la merde », exquise recension d’un livre confidentiel, Au cœur du caca (Éditions B42, 2018), des Japonais Bunpei Yorifuji, illustrateur, et Kōichirō Fujita, professeur de la fac de médecine de Tokyo et spécialiste en parasitologie, lequel rend doctement compte des « divergences » entre ses confrères : « le professeur Shimoyama, de la faculté de médecine de Hyōgo, adore l’étron banane, aux bouts nets, coulant à pic, tandis que le professeur Tsuji préfère le voir flotter sur l’eau ». Mais l’on trouvera aussi dans Obsessions bis un éloge de Michael Lonsdale dans son rôle du vice-consul dans India Song de Duras, une réhabilitation bienvenue du « vrai Bruce Li », et une recension du livre archidocumenté d’Ingo Strecker (autre obsédé, du reste parfaitement inoffensif) sur « les acteurs en costume de gorille ». On y croisera Sartre, Deleuze et Guattari, Grisélidis Réal, Robert Walser. Et encore Wes Craven, Ed Wood, et une kyrielle d’autres cinéastes beaucoup moins connus mais qui mériteraient de l’être. Plus des zombies, des cowboys buvant du pastis, des SS d’opérette, et même « le sang du Christ et les rognons sauce madère ». Et Bier fait des trouvailles en polars curieux et autres bizarreries : tout l’intéresse, son livre est le bazar d’un Alexandre Vialatte mais underground.
Si l’on ne connaît de lui qu’Obsessions bis, on manquera le créateur d’un érotisme poétique et désuet mais jamais mièvre. Après Femellisé et La Chienne fatale, tous deux signés « Don Brennus aléra fils » – un pseudo élégant et brenneux – Fleurs de mâles de « Léon Despair » est de cette meilleure eau. Le décor ? Les années folles à « Hanoï, Palais des mille Fleurs, lundi 24 mai 1926 ». L’histoire – féministe radicale – est celle d’un homme esclavagisé par des femmes et devenu « paillasson vivant », et d’un « jardin floral » où sont employés, dans de grands pots, de mâles sujets vivants dont on ne voit que… la tige. « Dépouillée de ses artifices, la potiche laissa apparaître à sa surface son intrigante énigme (…) : un contorsionniste – les Indes en créaient par centaines – dont l’attribut le plus éloquent émergeait de la terre, plante virile gorgée de sang. » À ces aimables et féroces outrances, il y a une bonne raison que donne Christophe Bier, auteur éminemment politique  : « Nous sommes de mauvaises âmes. Nous ne nous laisserons pas asservir par le Bien ». Ou mieux : « Ni Dieu, ni maître, même nageur ».

Jérôme Delclos

Obsessions bis
Christophe Bier
Le Dilettante, 222 p., 20

Fleurs de mâles
Léon Despair
Sélect-Bibliothèque, 165 p., 25

Exquises et sales idées fixes Par Jérôme Delclos
Le Matricule des Anges n°250 , février 2024.
LMDA papier n°250
6,90 
LMDA PDF n°250
4,00