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Domaine étranger Pavane pour un pays défunt

février 2024 | Le Matricule des Anges n°250 | par Thierry Cecille

En une fresque ambitieuse et savamment construite, Regina Scheer ressuscite, de la Seconde Guerre mondiale aux années 2000, la RDA et certains de ceux qui y vécurent, jusqu’à la fin.

Le Chant du genévrier

Peut-être vous est-il arrivé, à la lecture, par exemple, de Guerre et Paix ou des Frères Karamazov, de ressentir l’utilité de dresser une liste des personnages ou un arbre généalogique, pour vous y retrouver ? Regina Scheer, à la suite des 385 pages de ce roman, s’en charge pour nous : elle nous présente « Les protagonistes », soit la douzaine de personnages principaux qui s’y croisent (nous en rencontrerons d’autres, bien sûr, plus épisodiques). Cinq d’entre eux seront, alternativement, les narrateurs, créant ainsi un jeu d’échos, un texte complexe mais pourtant limpide, savant tissu de reprises, variations, précisions, fragments de portraits et autoportraits. Clara, la plus présente, qui ouvre et clôt le récit, est une universitaire, née en 1960, qui consacre sa thèse aux multiples versions du mystérieux conte du genévrier (une des raisons, parmi d’autres, du titre) dont la plus célèbre est celle des frères Grimm. Dès les premières pages, nous découvrons en sa compagnie une sorte de « chaumière » assez délabrée qu’elle et son mari décident d’acheter. Cette maison, le village de Machandel et les paysages du Mecklembourg (région au sud de Rostock) seront le cœur du roman et le point d’ancrage des personnages. Au château qui domine le village servit Natalia, une prisonnière russe, dès 1942. S’y rencontrèrent Hans, le père de Clara, rescapé de Sachsenhausen, et sa mère, Johanna. Y vinrent en vacances le frère aîné de Clara, Jan, et son ami Herbert, lorsqu’ils étaient tous deux élèves, dans les années 1950, d’une école de cadets récemment créée…
C’est pas à pas, patiemment, avec une sorte de touche, comme l’on dit en peinture, pleine de délicatesse, une écriture qui peut sembler au premier abord un peu trop neutre, que Regina Scheer peint cette fresque à la fois sensible et sensuelle, morale et politique. Nous suivons en effet ces femmes et ces hommes, au fur et à mesure des années, mûrissant, vieillissant, dans leur confrontation avec ce que l’Histoire leur impose, en l’occurrence celle de ce drôle de pays qui – cas unique ? – exista durant plus de quatre décennies puis disparut en quelques mois : la RDA. Clara et son époux Michael participent aux actions et manifestations qui prennent de plus en plus d’ampleur jusqu’à la « révolution pacifique » et la chute du Mur en novembre 1989. Jan, qui a eu le tort de photographier le printemps de Prague puis l’invasion en 1968, doit ensuite fuir le pays. Herbert, lui, est espionné par la Stasi puis chassé avec sa famille – mais il reviendra et retrouvera Clara qui, elle, même une fois divorcée, continue de revenir régulièrement dans sa maison de Machandel. Hans Lagner, son père, qui a combattu les nazis dès les années 1920, qui a connu les camps et la « marche de la mort », puis est devenu en 1945 un haut fonctionnaire, doit subir, spectateur désespéré mais toujours fidèle à ses convictions communistes, la décadence puis l’implosion du régime qu’il avait contribué à mettre en place. Laissons-lui la parole pour ce constat douloureux et impitoyable : « Le bref automne de l’utopie en 1989 avait simplement été suivi du rachat en partie hostile d’une société économiquement et moralement en faillite appelée RDA ».
Toutes ces existences, cependant, résistent aux tempêtes, s’en accommodant ou luttant contre, l’amour et l’amitié, les rencontres et les dialogues permettent d’avancer, les uns à côté des autres, les uns avec les autres. Les souvenirs demeurent, dans les lieux où nous vivons, les paysages que nous ne cessons d’arpenter dans nos promenades : « Ce qu’on ressent et pense est dans le monde, cela ne disparaît aussi vite que les humains  ». Les légendes et les romans sont là pour dire cette présence, celle des vivants et celle des morts.

Thierry Cecille

Le Chant du genévrier,
Regina Scheer
Traduit de l’allemand par Juliette Aubert-Affholder
Actes Sud, 390 pages, 23,90

Pavane pour un pays défunt Par Thierry Cecille
Le Matricule des Anges n°250 , février 2024.
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