James Dean portait un blouson rouge dans La Fureur de vivre, il lui collera à la peau pour l’éternité. Justin Coudures, lui, transporte sa fureur et son adolescence sur son vélo, zigzaguant chaque été sur une île, entre la caravane de ses parents et la maison de son ami, Brian. « Mon gars, sûr, c’est Brian. (…) On avait dix ans. Il m’avait serré la main avec un air très sérieux, je m’en souviens encore. Déjà trop vieux pour son âge. » Les jeunes se retrouvent la nuit tombée. L’île est dure avec ses cailloux, son terrain vague et ses eaux sombres. À l’instar du chef-d’œuvre de Nicholas Ray, Adrien Girault travaille une atmosphère en noir et blanc où juste par moments émerge une couleur. La couleur jaune citron, celle du camion du beau-père de Justin, Jean-Marc. Une figure paternelle réduite à sa capacité à réparer le vélo puisque le reste du temps, Jean-Marc boit. Justin fait le lien entre son alcoolisme et l’abattoir où il travaille, avec ce sang sur la blouse qui « ne part jamais complètement, malgré la bonne odeur de propre, prisée par nous, les pauvres. »
Les personnages et les conditions de la tragédie sont en place : le combi jaune et Jean-Marc disparaissent mystérieusement, la morve de Baudouin Mervier, la plus grosse fortune de l’île, dont les parents emploient Brian – « Des fois, Brian et moi, on prenait les vélos pour faire le tour de leur résidence sécurisée. Comme d’autres se scotchent aux illuminations de Noël. », les bords de mer abrupts et dangereux. C’est là que vont s’installer des combats plus grands que ceux d’un adolescent en mal de vivre, qui touchent l’injustice sociale que tous, petits et grands, noient dans l’alcool, mais des combats que vont devoir mener ces jeunes Robinsons.
Il reste de la lecture de Justin Coudures un langage brut plein de saveur, et des phrases comme des balles lancées, « pile entre les deux yeux » : « On laisse des vêtements de pauvres là-bas dans les caravanes. (…) Ma mère veut toujours les relaver, mais vas-y, on des pauvres ou on est pas des pauvres. »
Virginie Mailles Viard
Justin Coudures
Adrien Girault
L’Ogre, 165 pages, 19 €
Domaine français Justin Coudure
janvier 2024 | Le Matricule des Anges n°249
| par
Virginie Mailles Viard
Un livre
Le Matricule des Anges n°249
, janvier 2024.