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Domaine étranger Balade sentimentale à Jakarta

mars 2023 | Le Matricule des Anges n°241 | par Guillaume Contré

Ce bref roman indonésien suit les pas d’un attachant fanfaron mélancolique dans sa quête d’amour et de réalisation.

Quelque part à Jakarta, « ville saturée de fils électriques », Roni, jeune écrivain un peu paumé et un peu grande gueule, retrouve lors d’un de ces événements littéraires interchangeables (en Indonésie comme ailleurs) Eliot, l’agent littéraire français dont il est plus ou moins amoureux et qu’il n’avait pas vu depuis longtemps. Eliot est un beau gosse blond, « un vrai modèle de propagande nazi » selon Roni, qui ne craint pas les formules-chocs car il aime jouer les provocateurs pour mieux mettre en scène son manque d’assurance. Rien ne lui fait plus plaisir que d’en rajouter dans l’autoapitoiement parodique. Ainsi se définit-il comme un « rat d’égout » qui passe son temps à raconter sa vie sur Facebook depuis sa lointaine banlieue.
Il y a quelque chose de l’affabulateur chez ce « clown » autoproclamé qui regarde tout depuis la loupe tordue de son égo encombrant. Persuadé qu’il ne fera pas « de vieux os dans ce monde », il « souri(t) comme un âne » dans les dîners où il est venu sans être convié et passerait pour un charlatan s’il n’avait publié un premier roman ayant eu suffisamment de succès pour se voir traduit en anglais et pour que son auteur soit invité en Angleterre aux frais du British Council.
Dans l’avion qui l’emmène à Londres, lui qui se présente comme athée observe d’un œil dubitatif tous ces vieillards (« le troisième âge, je ne suis pas fan ») qui, « à cause de l’escale à Dubaï », se rendent en pèlerinage à La Mecque : « j’étais un peu contrarié car quelque chose dans ma tête me retenait de demander de l’alcool. Au milieu de cet escadron de pèlerins, la convenance la plus élémentaire suggérait de ne rien consommer de haram ». Mais ce qui rend attachant ce loser presque trop bien pénétré de son rôle, c’est que toutes ses bravades sont souvent contredites par ses actions : comme beaucoup de (faux) cyniques, c’est un sentimental. Il y a néanmoins chez lui une vraie faille, une sorte d’abîme qui s’ouvre par moments sous ses pieds et pourrait bien l’avaler. Le ton enlevé du livre, son apparente légèreté, donne à certains épisodes qui pourraient être tragiques (lorsque notre héros, par exemple, veut se jeter d’une fenêtre) une tournure burlesque qui sied bien à l’apparente exubérance de dépressif jovial de son personnage principal. Le lecteur pressé n’y verra qu’une fanfaronnade de plus, à tort peut-être, et c’est cette ambiguïté qui fait la subtilité du roman.
« La vie n’est souvent qu’une grosse masse informe d’événements abrutissants », annonce Roni sur le mode de la plaisanterie qui en dit long. En Angleterre, cette « masse informe » lui réserve quelques nouveaux épisodes tragi-comiques à travers ses rencontres avec divers personnages extravagants (ou que son imagination galopante convertit en curiosités) : une Russe improbable, un type guindé aux médiocres ambitions littéraires qui semble concentrer en lui la quintessence caricaturale de l’Anglais éternel, sans oublier le fauteuil de Thomas Hardy, noble relique pieusement conservée dans laquelle on l’invite à s’asseoir (rien de particulier ne se produit), et une possibilité sentimentale qui semble ne pas aboutir, comme c’est souvent le cas avec lui. Sa relation avec le bel Eliot, d’ailleurs, pleine de sous-entendus instables, est une sorte de running gag mélancolique qui structure le livre, jusqu’à la possibilité d’un happy end plus fantasmé que réel ; l’auteur, quoi qu’il en soit, se garde bien de faire la part de l’affabulation et de la réalité.

Guillaume Contré

Le Rat d’égout
Nuril Basri
Traduit de l’anglais (Indonésie) par Étienne Gomez
Perspective cavalière, 160 pages, 18

Balade sentimentale à Jakarta Par Guillaume Contré
Le Matricule des Anges n°241 , mars 2023.
LMDA PDF n°241
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