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Domaine français Arsenic et vieux moulins

février 2023 | Le Matricule des Anges n°240 | par Thierry Guichard

Sous couvert de passer notre époque aux rayons x de sa verve, Lydie Salvayre réussit l’exploit de nous faire rire en exposant crûment les travers de notre société. Avec brio.

Irréfutable essai de successologie

C’est peut-être avec La Conférence de Cintegabelle (Seuil, 1999) que Lydie Salvayre a inauguré un genre qui lui permet de revêtir l’armure de Don Quichotte. L’art de la conversation, celui de l’éducation sexuelle avec Petit Traité d’éducation lubrique (Cadex, 2008) ou aujourd’hui l’art de réussir sont autant de chemins de traverse pour prendre à rebours les moulins à vent médiatico-politiques de notre époque. Et de pointer, d’un index vengeur, les fâcheux qui organisent avec délectation le naufrage d’une civilisation du livre, de la pensée pour la livrer tout entière au divertissement consumériste, à la vacuité intellectuelle, à la misère spirituelle. Loin de vêtir la tenue austère du procureur, la romancière ici encore, déploie toute la panoplie d’une langue qui accole le subjonctif imparfait au mot « bite », les notions d’« acédie » et de « retour sur investissement ». Bariolée, sa langue est comme les habits d’Arlequin : plusieurs tissus la composent qui empruntent autant à La Fontaine, Pascal ou Swift qu’aux réseaux sociaux ou au comptoir du PMU. C’est vif et joyeux. C’est méchant aussi, notamment dans le portrait (La Bruyère nous voilà !) qu’elle dresse de « l’influenceuse bookstagrameuse » aux millions de followers : « Idolâtre d’elle-même, elle voue une dévotion toute particulière à sa gueule, à ses seins, et par-dessus tout à son cul, qui, comme le rumsteak chez le bœuf, semble constituer à ses yeux le morceau de choix. » Une méchanceté généreuse au bout du compte, une méchanceté qui procure avec la joie, le plaisir incommensurable de voir que, parfois, la justice peut être rendue par les livres.
Ne nous méprenons pas : Lydie Salvayre ne fait pas œuvre d’essayiste (comme on l’a entendu dire un soir sur France Culture). À l’instar du Montesquieu dans De l’esclavage des nègres, la romancière ici prône le faux pour dire le vrai : elle fait mine de jeter aux orties les auteurs qui lui sont chers pour couronner ceux dont elle se moque. Don Quichotte et Sancho Panza ne sont décidément jamais bien loin puisqu’ils sont autant dans la langue (subjonctif et bite) que dans l’art de pourfendre les vessies, faisant mine qu’elles brillent comme des lanternes sans manquer de nous faire voir quels sacs à pisse elles sont en vérité.
Consciente des écueils qui la menacent, elle, célébrée par le Goncourt 2014 qui se moque des prix littéraires, se doit de progresser sur un fil ténu. Épinglant la méchanceté de « l’Homme influent », il lui faut retenir ses coups et trouver le moyen d’assassiner sans violence cet homme de pouvoir « héritier de la dynastie industrielle des Arjona & fils qui firent fortune dans le textile en 1941 »  : ce « 1941 » est la lame quand « Arjona », nom de naissance de Lydie Salvayre, en est le manche. S’inclure soi, dans la famille des caractères que l’on épingle, n’empêche pas que les griffes sont sorties, que l’arsenic dans quoi je trempe ma plume est aussi un peu de mon sang. Il y aurait donc, à l’origine de ce pamphlet léger et vif une réelle souffrance de l’auteure. Voir sombrer dans l’oubli les grands penseurs d’hier et d’aujourd’hui pour célébrer les Léna Situations ou les Roselyne Bachelot n’est pas si drôle que ça. Le constat qu’en tous domaines « public » est le « nouveau nom du peuple » aurait tendance à favoriser la misanthropie plutôt que la philanthropie. Mais c’est parfois l’une des caractéristiques de la littérature quand elle est de la littérature (pas du Musso ou du Bachelot) : éclairer les ténèbres d’un grand éclat de rire. Et merdre aux fâcheux !

T. G.

Irréfutable essai de successologie
Lydie Salvayre
Seuil, 167 pages, 17,50

Arsenic et vieux moulins Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°240 , février 2023.
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