Walter Benjamin, en tête de crise
- Présentation Un flambeur dans l’incendie
- Entretien Courroies de transmission
- Bibliographie Bibliographie indicative
- Autre papier Sur Le Capitalisme comme religion
- Autre papier Walter Benjamin contre le <I>fake</I>
- Autre papier Le courrier de l’humanité
- Autre papier Taupes, tigres, Proust
- Autre papier La mélancolie à double tranchant
- Entretien Tentative d’épuisement de l’époque
Dans Enfance berlinoise, Benjamin dit sa fascination pour le « miracle » de la chaussette enroulée sur elle-même. C’est le pari d’Aurélien Bellanger que ce roman où l’enveloppant, une enquête du et sur le XXe siècle, rencontre l’enveloppé, « Une vie de Walter Benjamin ». Le lecteur suit les aventures des trois épistoliers du « Groupe Benjamin », disciples turbulents de l’écrivain François Messigné, suicidé comme Walter dont on découvre des écrits… aussi inédits que crédibles. Bellanger a lu Borges, et pour s’être visiblement beaucoup documenté, il pourrait dire comme Gershom Scholem « Je connais mes Benjamin ».
Mais le propos n’a rien de gratuit : la structure en tresse sert au mieux une vision du XXe siècle à travers Benjamin, et réciproquement. Comme dans Austerlitz de Sebald, la Bnf se fait personnage inquiétant, ici hantée par les fantômes de Walter et de Messigné qui s’y est jeté dans le vide. C’est le début de l’enquête, puis le point nodal d’une temporalité où passé et présent s’écoulent ensemble comme dans une bonde. L’époque à la fois s’y révèle et se vide de ses illusions, tandis que la figure de Benjamin, « héros paradoxal », s’y dessine de façon de plus en plus nette. À lire dans les deux sens – le siècle et Benjamin – comme on retourne un gant.
Aurélien Bellanger, la Zad de « Précigné » et « Messigné » le « cadavre de la bibliothèque » : pour se demander qui signe, pré-signe ou « mé-signe » ce roman épistolaire ?
Ah bien vu : et inutile de dire que je n’y avais pas pensé, ça avait pensé pour moi, j’ai bien l’impression. Je n’ai pas le génie des noms propres, en général, je bricole des trucs, je tords des anagrammes. Finalement ça marche bien, avec ceux-là : rien ne m’est assignable, c’est un roman sans narrateur. Et paradoxalement celui pour lequel j’ai peut-être le plus pillé des éléments personnels…
Un roman sans narrateur fait de « relations » : une « individualité » comme « mode d’apparition des personnages », à l’image du « motif leibnizien caché » chez Benjamin ?
Oui, c’est la vieille théorie leibnizienne de la monade que Benjamin aurait redécouvert aux Deux Magots en dessinant le cercle de ses amitiés : il pourrait bien avoir été individualisé de l’extérieur, par le point de vue des autres. Ce qui m’a permis de résoudre, je crois, la difficulté majeure qu’il y aurait eu à faire « revivre » Benjamin ex abrupto – la difficulté d’un certain kitsch existentiel.
Votre personnage, Lepierrier, a lu 2666 de Roberto Bolaño. Messigné, cousin d’Archimboldi ?
Ce n’est pas aussi transparent que cela, mais il est vrai que j’ai lu tout Bolaño, l’été juste avant de commencer à écrire Le Vingtième Siècle. J’ai pu piquer des trucs. L’idée des trois épistoliers, sans doute. Messigné finalement serait plutôt une sorte de Bolaño lui-même, un poète devenu romancier. Archimboldi, en suivant cette logique et en tant qu’Allemand mythique, serait Benjamin lui-même.
JbrJ...