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Domaine étranger Les quais de la mémoire

novembre 2007 | Le Matricule des Anges n°88 | par Yves Le Gall

Le nouvelliste américain Stuart Dybek arpente les territoires du Chicago de son enfance pour recueillir des histoires simples, troublantes et merveilleuses.

Les Quais de Chicago

Tout souvenir a une existence bien spécifique. Tel est le thème du recueil de nouvelles Les Quais de Chicago, première publication en langue française de Stuart Dybek, écrivain américain né en 1942 de parents immigrés polonais. Ces nouvelles sont une exploration des lieux de sa ville natale à travers ses souvenirs d’enfance et d’adolescence. Mais c’est son univers le plus intime qu’il nous fait découvrir. L’image la plus banale suscite chez lui une gamme d’émotions si fortes que la réalité elle-même en est modifiée. L’observation du moindre détail libère l’imagination et déroule instantanément une pelote qui n’est pas seulement celle de la mémoire.
Dans « Chopin en hiver » la sensibilité d’un jeune garçon s’éveille à l’écoute de Chopin que joue Marcy, une jeune femme mystérieuse à l’étage supérieur de l’appartement où il vit. L’existence modeste de cet enfant, bizarrement rythmée par le rituel des bains de pied de son grand-père, Dzia Dzia, prend alors une autre dimension. Une véritable complicité naît avec Dzia Dzia qui lui fait découvrir ses pièces favorites du compositeur : « les nocturnes luisant comme des étangs noirs ». Les reflets de la lumière et de la musique échangent leurs nuances subtiles. Mais telle une flamme fragile, la musique un jour s’éteint. Et le silence suit le départ de Marcy : « un pur silence au-delà du rêve éveillé et de la mémoire ».
Dybek nous conduit dans « Blight » sur les territoires de son adolescence, ceux des quartiers populaires de Chicago où Polonais et Mexicains à la fin des années 50, malgré leurs difficultés, vivent en l’absence de toute tension ethnique. Les lieux n’ont en eux-mêmes aucun intérêt, un pont de chemin de fer, un viaduc sous la pluie, un clocher d’église… Mais ils permettent ces éclats jaillissants de rêves qu’accompagne le souvenir. Ces jeunes gens exubérants déclamant des passages de Kerouac ou hurlant des airs de blues, dans de folles chevauchées au volant de vieilles guimbardes sont de surprenants poètes. Leur ambition est de « creuser la beauté » car limagination est devenue leur seul moyen de transcender une existence médiocre. Leur quartier en sort magnifié. De « quartier officiellement pourri » il devient « zone officielle d’insouciance ».
Méditation sur l’amour et la perte, la nouvelle « Les Oiseaux de nuit » est un troublant cheminement poétique oscillant entre conscience et rêve. « Un baiser traverse la ville » et « celui auquel elle le destine ne rencontrera pas ses lèvres ». Il est destiné à ce soldat joueur de conga dont elle était la petite amie. Mais en dansant sur les toits elle s’est tuée en tombant « mais si lentement qu’il devait se passer une éternité avant qu’elle ne heurte le sol ». En tout cas suffisamment de temps pour permettre au baiser son parcours à travers la ville. Dybek aimerait nous faire croire aux miracles. Comme si les anges de son enfance étaient toujours présents dans sa mémoire.
Les saints et les martyrs de la religion catholique ont également influencé « Glace chaude ». La légende locale d’une jeune fille noyée et conservée dans la glace, devient un véritable « mythe urbain » qui affecte le destin de trois jeunes hommes. Influencée par des croyances traditionnelles une nouvelle mythologie émerge dans des quartiers dont le climat oppressant est pourtant symbolisé par l’ombre menaçante de la prison.
Les quatorze nouvelles du recueil sont autant de brillantes démonstrations de la puissance de cet indicible sentiment poétique qu’offre la rêverie issue du souvenir. Dybek montre comment les images, les sentiments, les émotions se libèrent au cœur de cette rêverie pour se télescoper dans des associations surprenantes que la conscience maîtrise à peine. « De toute la mémoire, seul vaut le don précieux d’évoquer les rêves ». Cette citation du poète espagnol Antonio Machado que Stuart Dybek a choisi de mettre en exergue trouve une illustration très réussie dans Les Quais de Chicago.

Les Quais
de Chicago

Stuart Dybek
Traduit
de l’américain
par Philippe Biget
Finitude
224 pages, 17

Les quais de la mémoire Par Yves Le Gall
Le Matricule des Anges n°88 , novembre 2007.
LMDA papier n°88
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