Un livre

Pietro Querini : Les Naufragés de Röst

de Benjamin Guérif

Editions Rivages

Un vieux manuscrit à l’encre passée, rempli de descriptions de monstres, certains bibliques, d’autres non, enluminé de dessins horribles " : Benjamin Guérif a très certainement consulté un de ces écrits pour relater cette expédition commerciale médiévale qui tourne au naufrage. Féru d’histoire, il s’est inspiré du récit de Pietro Querini datant du XVe siècle, et des confidences de deux rescapés, apparaissant dans un document du XVIIe siècle, pour créer ses personnages et définir la trame de la tragédie. En 1431, Querini, riche marchand vénitien, s’embarque à bord d’une caraque pour rejoindre Bruges en longeant les côtés méditerranéennes et atlantiques. Un coup de tabac déporte son navire au large de l’Espagne, autant dire vers une mort certaine, car au-delà des quelques milles connus vers le soleil couchant, c’est l’inconnu qui prévaut. Des tempêtes, des voies d’eau, l’espoir de l’équipage se dissout. Une dérive ininterrompue vers le Nord-Ouest mène le navire vers des contrées mythiques où règne une nuit perpétuelle. Sans jamais sombrer dans l’artifice, Benjamin Guérif fait revivre les fastes de la République de Venise, mais aussi la crasse des ports de négociants.
Il explique la concurrence économique et militaire entre la Sérénissime et sa rivale, Gênes, la gloire passée des Grecs et des Byzantins, la peur des mondes barbares, les superstitions marines. Mieux, il écrit la mer avec force et simplicité : « La brume légère semblait courir sur ces montagnes roulantes ». Il brosse les marins dans un style imagé, ces « ombres grisâtres enveloppées de suaires aquatiques ». Aujourd’hui, aucun endroit de la planète n’incarne plus la fin géographique du monde, et penser comme les hommes du XVe siècle demande un réel effort. Benjamin Guérif leur rend un bel hommage dans cette traversée épique.

Pietro Querini, les naufrages de Röst
de Benjamin Guérif, Rivages, 317 pages, 20 €