Un livre

Mangeurs de chien

de Karl-Markus Gauss

Editions Esprit des péninsules

Journaliste et essayiste, l’Autrichien Karl-Markus Gauss est un grand arpenteur des territoires européens. Il raconte cette fois son périple en Slovaquie et la découverte des communautés Roms, dont il a visité les quartiers à Kosice, Presov, Svinia : hallucinants bidonvilles dans lesquels végète une population totalement reléguée. Véritables cocus du régime communiste, les Tziganes n’ont tiré aucun bénéfice de cette époque, qui leur a pris leur langue, leurs pratiques religieuses et culturelles, et ne leur a offert en échange aucune réelle intégration. Gauss expose ce paradoxe qu’est l’invisibilité des bidonvilles : Slovaques et Roms vivent à quelques centaines de mètres les uns des autres, et en réalité c’est un monde qui les sépare, un monde fait d’ignorance crasse et de clichés racistes. À la lecture des préjugés dont l’auteur fait état, on ne peut d’ailleurs éviter de penser aux propres mécanismes xénophobes qui grippent nos sociétés d’Europe occidentale. De sa plume sans esbroufe, Gauss évoque la spécificité de cette Slovaquie, sa richesse culturelle, sa jeunesse vibrante et ambitieuse, bref nous donne furieusement envie de visiter cette contrée. Mais il pointe aussi une région en proie aux particularismes, une terre qui se souvient encore des persécutions et déportations de la population juive, et voue aujourd’hui les Roms à un véritable apartheid. Abandonnés, méprisés, les Tziganes de Kosice ou de Svinia vivent coupés de leur temps et presque de leur propre histoire. Sarcastique, pessimiste, sans jamais pour autant verser dans l’angélisme ou la compassion molle vis-à-vis des victimes qu’il a rencontrées, Gauss nous glisse tout de même son espoir : « il existe partout des hommes qui s’intéressent au monde, et non à sa possession ».

Mangeurs de chien, Voyage chez les Tziganes de Slovaquie de Karl-Markus Gauss
Traduit de l’allemand (Autriche) par Valérie Daran, L’Esprit des péninsules, 126 pages, 15 €