On croit trop souvent que Frankenstein est le nom de la créature ; c’est celui de son créateur. L’erreur est symptomatique de la pérennité du mythe et de l’ignorance dans laquelle est tenue Mary Shelley, qui, à l’occasion d’un concours d’écriture avec Polidori, Byron et son futur mari, réussit à faire mieux que ces grands poètes. Imaginé sur les hauteurs de Genève, devant le sublime alpestre, le monstre de Frankenstein, fabriqué à partir de cadavres, puis rejeté par ceux auxquels il quémande l’amour, va errer parmi les glaciers, exacerbant sa souffrance romantique jusqu’au meurtre. Publié en 1818, Frankenstein ou le Prométhée moderne unit les mythes incontournables de Faust, du nouvel Adam et du savant fou. En fait, ce chef-d’œuvre du courant gothique, cette mine cinématographique (pensons à Boris Karloff et à Kenneth Branagh) est l’arbre qui cache la forêt. Mary écrit son journal, des lettres, et des romans : Matilda, récit brûlant de l’inceste et de la mort ; Valperga, roman historique et conte philosophique situé dans une Italie magnifiée ; Le Dernier Homme narre quant à lui la disparition apocalyptique de l’humanité, au cours d’un XXIe siècle ravagé par la peste…
Cet essai rend justice à la personnalité exceptionnelle de Mary Shelley. Sa vie est traversée par d’intenses lectures, la passion pour les voyages en Italie, les deuils répétés parmi ses enfants, puis la mort par noyade de son mari Percy Shelley dont elle publia avec soin l’œuvre. Malgré les citations en anglais non traduites, le livre d’Alain Morvan rassemble les plaisirs de la biographie avec ceux de la critique littéraire.
Mary Shelley et Frankenstein d’Alain Morvan
PUF, 354 pages, 25 €
Histoire littéraire Retour sur Shelley
janvier 2006 | Le Matricule des Anges n°69
| par
Thierry Guinhut
Un auteur
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Retour sur Shelley
Par
Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°69
, janvier 2006.