Paco est seul. Survivant d’un bombardement qui a tué ses copains de régiment et envoyé balader toute idée même de riposte. Face aux nazis, la guerre vient de commencer qu’elle est déjà perdue. Il décide de rentrer chez lui, dans le Minervois, tel un Ulysse après une guerre de Troie perdue qui tenterait de rejoindre sa Pénélope qui ici s’appelle Margot. Paco n’est pas un lâche : le combat il connaît. Il était de la guerre d’Espagne, du côté déjà des perdants, il fut d’une révolte viticole à Paraza où le domaine tenu par le « Baron » et sa « Baronne » offre des « plafonds à quatre mètres, lustres aux centaines de pendeloques de cristal, boiseries sculptées, peintures sur les murs, canapés, fauteuils, lampes, tableaux. (…) C’est donc pour ça qu’ils travaillent, cet inaccessible luxe, cent trente ouvriers à l’année, pour que quatre personnes jouissent de ça ».
Il part avec en tête le souvenir de Miguel qui comme lui a fait la guerre à Franco (mais pas tout à fait dans le même camp) et Jules qui a fait des études. Morts tous les deux sous les bombes et sous ses yeux. Et marchant, il retisse les souvenirs de l’Espagne qui « s’était ouverte en deux parts égales, une mandarine sous la pression des doigts et le jus qui avait coulé était le sang des morts inutiles ». Le souvenir du travail à la cave, du syndicat, de sa rencontre avec Miguel, de la délicatesse de Jules. Il tresse ses souvenirs entre eux pour alléger les 800 km qu’il doit parcourir. Et avec Margot en tête, comme Ulysse, il aura quelques épreuves à traverser et la plus difficile peut-être sera celle de l’amour.
Gilles Moraton, Pas la défaite raconte l’histoire d’un soldat français qui en 1940 fuit le front où son régiment a été laminé pour tenter de retrouver ses terres du Sud, près de Narbonne. Une ville déjà évoquée dans votre recueil de nouvelles Le Chemin de la plage (Deyrolle, 1997). Qu’est-ce que votre nouveau roman, ancré dans l’Histoire du XXe siècle, doit à votre histoire personnelle ?
J’avais ce livre en tête depuis plusieurs années. Le point de départ est effectivement une histoire vraie, celle de mon père, immigré Espagnol et naturalisé français en 1935. Il a été mobilisé dès le déclenchement de la guerre.
Il faut dire peut-être avant d’aller plus loin qu’à un moment de ma vie, j’ai dû prouver ma qualité de citoyen français auprès du tribunal et qu’il me fallait pour cela produire l’acte de naturalisation de mon père – il était mort depuis longtemps. Je n’ai pas trouvé ce papier dans la maison familiale. En revanche j’ai trouvé un document émanant de l’armée et attestant de sa participation à la Bataille de France en mai-juin 40. Sur ce document, un discours retranscrit du général Frère se termine par ses mots : « Soldats, conservez le cœur fier et la tête haute : vous n’avez pas connu la défaite ». Ces mots, qui donnent son titre au roman ont été le déclencheur de l’écriture – parce qu’enfin, la litote est un peu excessive pour parler de...
Entretiens Une odyssée française
février 2023 | Le Matricule des Anges n°240
| par
Thierry Guichard
Roman bâti sur une mémoire familiale, le seizième livre de Gilles Moraton rend hommage aux combattants de la justice sociale. Aux rêveurs donc.
Un livre