Jonas Hassen Khemiri est un jeune romancier et dramaturge suédois. Sa première pièce Invasion ! a été jouée deux ans à guichets fermés à Stockholm. Sa dernière pièce traduite en français évoque le combat de chacun pour entrer dans le système économique et la désillusion qui s’ensuit. De nombreux personnages traversent cette œuvre. Presque tous ont un souci avec le travail, ils sont au chômage ou vivent de petits boulots minables ou encore viennent d’être licenciés. L’un d’eux, Martina, se débat même avec son moi économique, Martina 2, une voix qu’elle entend dans sa tête. Alors, même quand ils s’en défendent ou qu’ils essaient de mettre en œuvre d’autres valeurs, tous leurs rapports sont dominés par l’argent. Une déclaration amoureuse devient : « Mon amour adoré. Je te promets de continuer à investir autant que je le peux dans notre relation… »
Même Peter, un SDF, adopte une véritable stratégie commerciale dans sa vie. Ce personnage va focaliser toutes les rancœurs, les fantasmes ou la peur des autres. Car cette lutte économique permanente crée beaucoup d’humiliations et de frustrations. C’est ce processus-là que dénonce Jonas Hassen Khemiri dans une pièce brillante, corrosive, drôle, violente et très percutante. Les personnages s’adressent souvent au public, ce qui crée une grande mise à distance. Tout peut être montré, comme les nombreux décalages entre ce qui se dit et ce qui se pense réellement, tous les fantasmes sont joués, les désirs de meurtre sont énoncés, le processus du vol à l’étalage montré. Le tout est entrecoupé de fausses conférences économiques avec pour modèles des personnes cherchant à détruire la dictature de la finance. Voilà un théâtre réjouissant qui nous pousse dans nos retranchements, nous bouscule et nous laisse intranquilles.
L. Cazaux
≈ (PRESQUE ÉGAL À)
DE JONAS HASSEN KHEMIRI
Traduit du suédois par Marianne Ségol-Samoy,
Éditions Théâtrales, 80 pages, 14,50 e
Théâtre Presque égal à
juillet 2016 | Le Matricule des Anges n°175
| par
Laurence Cazaux
Un livre
Par
Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°175
, juillet 2016.