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Poésie Noir éternel

juillet 2016 | Le Matricule des Anges n°175 | par Richard Blin

Monchoachi nous fait éprouver les mystères d’une Afrique qu’il rend à l’éclat nu de l’origine.

Partition noire et bleue : (Lémistè 2)

Deuxième volet du cycle poétique ouvert avec Lémistè (Liber America) – qui conjuguait l’oralité créole aux croyances magiques antillaises et à l’univers culturel et langagier du monde amérindien –, Partition noire et bleue (Lémistè 2) explore l’ailleurs africain des Antilles, le fonds mytho-rituel du continent noir. Organisé en huit parties allant de L’eau à L’eau en passant par Le Lointain, Le Réel / Le jeu, La Règle, Le Sort, Le Masque et Wolo : Rien, ce nouvel opus nous donne à partager l’originelle vivacité du monde en sa donnée la plus élémentaire. Le monde de « ceux sans qui la terre ne serait pas la terre », de ces « fils aînés du monde / poreux à tous les souffles du monde » (Aimé Césaire – Martiniquais comme Monchoachi, pseudonyme de Pierre Louis, né en 1946 – dans Cahier d’un retour au pays natal).
Un monde de l’immédiateté, répudiant la subordination rationnelle – la «  rationalité rapetissante, standardisante, nivelante » dit Monchoachi – au profit du saisissement. « Toutes choses saisies / depuis toujours manifestes / toujours célestes / éternellement se mouvent se movent se mouvementent / se meuvent / l’une en l’autre se métamorphosent. » Un monde que caractérise la beauté – « sourire qui va fleurir, / ibis dans le sangho »  ; « filles vêtues d’un souffle » – et qui croit en l’unité de tout, « mouvement des eaux, mouvement des astres, mouvement des règnes, / mouvement des doléances ». Un monde autre, qui s’adresse à un homme total et où la réalité est perçue comme relevant de la communion avec tout ce qui est. « Monter-descendre, descendre-monter / voie du sang des sacrifices, voie des graines célestes / voie de la fécondité, voie de la germination… » Une société dont la tradition est orale, un univers où la mémoire, c’est l’homme, et où toutes choses vivent. Quantité d’esprits, de génies sont présents dans tous les domaines de la nature : ciel, roche, arbre, champ, vent, pluie. Et comme on peut les offenser sans le savoir, il est des rituels efficaces pour se les concilier ou les consulter. Des cérémonies, des rites, des cultes dont Monchoachi nous restitue la magie et le vertige. Y contribuent charmes et formules, chants et rythmes, vrombissements des rhombes (ces pièces de bois percées que l’on fait tournoyer au bout d’une ficelle et dont le son est censé être la voix des morts), et vibrations des notes basses « bll – bll bll – bll / sons rauques qui rouquent / roucoulent / paroles qui jouent / qui joutent / tambour qui parle… » Les corps en fête dansent et appellent, « corps mountés, corps chagés / tatoués, scarifiés, peintirés, modlés / (…) / tenus à l’unisson ». On attend l’ouverture du voir, la manifestation des présences invisibles. Noyé dans la danse et l’ensorcellement des sons, le Masque « aux grelots et aux yeux ardents », fraye passage à la force magique, laisse « paraîte l’apparaître », prépare ce moment où « visible et invisible / l’un à l’autre ouverts » laisseront advenir ce qui est ou doit être. « IL parle / aux quatre vents écume aux lèvres, / donne parole  », lutte avec « Cela que puissamment conjure la vision du masque ».
Des cérémonies où tout s’engendre et se répond dans une harmonie rituelle magnifiée par les scansions d’un « monde-rythme ». Sortilèges et rites n’existent que pour perpétuer la règle, l’ordre de la permanence, et permettre «  que la parole soit dite sans cesse / qui abrite l’origine / qui refuse l’oubli // répétée sans perte et sans altération ».
C’est cette parole qui tient tout debout, « puissance et figure », que célèbre Monchoachi. En faisant « miroiser êtres et choses », en mêlant le créole au français, la somptuosité sensuelle aux voix multiples d’un continent. En réveillant les langues sauvages, en restituant la splendeur toute simple d’une totalité où l’intime devient cosmique et le cosmique intime. Une façon d’être au monde non séparé qu’incarne une écriture tout en invocation et incantation, champ et contre-champ. Une poésie fondée non pas sur le vers mais sur le rythme comme forme-sens. Ce qui fait du poème le lieu où les mots entrent en transe, donnent à voir le travail amoureux de leur ronde « esplendissante » à la gloire d’une parole, non pas créatrice et égocentrée, mais magiquement consubstantielle à la simple « volupté d’être là : mo là / la mélodie / le chant tourbillonnant une infinie splendeur, // mo là : // qu’y ajouter de pluse, / Oui, qu’y ajouter qui ne nous encombre, oscurcit / Détourne en prendre la pleine mesure ? ».
Richard Blin

PARTITION NOIRE ET BLEUE
DE MONCHOACHI
Obsidiane, 160 pages, 17

Noir éternel Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°175 , juillet 2016.