Il dit être un homme pressé, mais a appris la patience. Il aime impulser des projets, « aller au charbon ». Organiser une lecture un dimanche matin dans la cour de La Contre Allée. Issu du spectacle vivant, là où le travail se déploie au pluriel, Benoît Verhille a créé sa maison d’édition en 2008 avec sa compagne, Marielle Leroy. Aujourd’hui, La Contre Allée compte trois salariés, 26 titres à son catalogue, et une ligne éditoriale claire qui questionne « la place de l’individu au cœur des problématiques contemporaines ». Autrement dit : des aventures humaines comme aiguillon. Il ajoute : « Je préfère un texte polyphonique à un manifeste. On avance mieux avec l’école du doute ». À côté des essais (quatre titres autour de la justice anti-mafia), la collection dédiée aux récits et aux romans est sous-titrée « Histoires et parcours singuliers de gens, de lieux ». On y lira des partitions intimes, des quêtes d’humanité, des voix qui risquent l’oubli quand se lèvent les vents de l’Histoire.
Benoît Verhille, lorsque vous créez en 2008 La Contre Allée, quel en est le projet ? Le premier livre publié est consacré au quartier Fives à Lille (À chacun sa place), et non à un roman ou à un récit…
En 2011, nous avons commencé à traduire et publier le magistrat italien Roberto Scarpinato. Dans Le Dernier des juges, il dit quelque chose de très éclairant pour saisir la sensibilité de notre maison. Je le cite : « Paradoxalement, les institutions devraient garantir le droit à la fragilité des individus. Le droit, en somme, de ne pas renoncer à sa propre humanité. »
À chacun sa place est un ouvrage collectif qui s’inscrit dans le champ des publications qui aident à « penser la ville ». Et plus précisément, comment la penser à hauteur d’homme. Quelle place nous y accorde-t-on vraiment ? En quoi puis-je encore en être acteur ? Mêlés à une enquête de terrain et des paroles d’habitants, des auteurs comme Eugène Durif, Lucien Suel, Ian Monk ou encore Pierre Garnier apportent une succession de contrepoints qui aident à trouver la bonne distance. Cela nous semblait être une belle manière de présenter notre approche des choses. Très vite ensuite, nous avons publié un ouvrage intitulé En attendant l’Europe. On y lit Magris, Ken Loach, Lluis Pasqual mais aussi Jacques Delors, entre autres… Entre Roberto Scarpinato, la poète Cristina Martín (Princesse Inca), auteure de La Femme-précipice, ou encore Sara Rosenberg il y a plus que des points communs : de véritables chemins de traverse entre les genres, les formes. Cultiver cette variété de modes sensibles, de façons d’être et de faire, autour de sujets d’intérêts communs, voilà un peu l’esprit de la maison.
Mais sur quel désir d’édition s’est fondée la maison ? Vous veniez du monde musical…
Le choix du nom de la maison nous vient de Bashung, « Délaissant les grands axes, j’ai pris la contre-allée ». Ça nous semblait assez explicite. Moi, comme Marielle, aimons beaucoup Bashung. Sa...
Éditeur La liberté de circuler
mai 2014 | Le Matricule des Anges n°153
| par
Philippe Savary
C’est autour d’un axe « Mémoire(s) et société » que La Contre Allée, domiciliée à Lille, donne à lire des récits et des essais, traduits ou non. Une belle aventure collective.
Un éditeur