Un éditeur

Sun/sun

On découvre Céline Pévrier et les éditions montpelliéraines sun/sun avec la collection « Fléchette ». Ces livres associent des images des Archives de la Planète, issues de la collection du philanthrope Albert Kahn à des essais d’écrivains contemporains. Dans Où sont les hommes ? Marie-Hélène Lafon digresse à partir d’un attelage de bœufs « posant » sur la place d’armes d’un village du Cantal, en pleine Première Guerre mondiale. Dans Le Dos de l’histoire, l’historien Philippe Artières semble inventer des témoins ayant connu différents anonymes photographiés en Chine, en Auvergne ou au Maroc. Patrick Boucheron et Marie Cosnay rejoindront la collection à l’automne. Venue de la gestion de projets culturels et du journalisme au long cours, Céline Pévrier déploie depuis sept ans « mille cordes à son arc » pour relier photographies et textes, document et fiction, artistes et acteurs de l’édition dans de beaux livres souvent inclassables – et mettre en valeur le temps long.

Comment est né « Fléchette », ce projet au drôle de nom ?
L’histoire raconte qu’avant chacune des expéditions des Archives de la Planète entre 1909 et 1931, Albert Kahn et ses opérateurs se rassemblaient autour d’une table pour décider d’une destination à immortaliser. Comme le jeu d’enfance de la fléchette lancée sur un planisphère pour choisir, aléatoirement, un pays à visiter. Cent ans plus tard, les images des Archives de la Planète sont autant d’invitations, de destinations à parcourir. Sun/sun a rencontré ces Archives grâce à Adrien Genoudet, écrivain et cinéaste qui leur a consacré une thèse en arts visuels, L’effervescence des images. Albert Kahn et la disparition du monde. Ensemble, nous avons voulu faire naître une collection, en reprenant au mot l’intuition d’Albert Kahn, à savoir qu’un certain monde était en train de disparaître et qu’un regard « au présent » sur ces images pouvait, en un sens, changer notre vision du monde. L’idée est simple : inviter des autrices et des auteurs aux écritures singulières à lancer leur propre fléchette vers une destination, un lieu, une image, une histoire, pour mieux chercher à être « piqué.e.s » par les images. Chaque livre serait comme une continuité de ce si beau passage de Roland Barthes dans La Chambre claire lorsqu’il évoque ce moment où, face à une image quelque chose « part de la scène, comme une flèche, et vient (le) percer ».

Chaque couverture est « percée » d’un ou plusieurs trous, pourquoi ?
« Fléchette » devait à la fois s’inscrire dans le paysage de l’édition littéraire « classique », par son format, sa typographie, le choix des papiers, tout en se distinguant par de minutieux détails de fabrication. Ce sont les graphistes de Typical Organization qui ont conçu l’identité de ces objets singuliers par leur texte mais aussi leur « corps » : les poinçons en couverture ou encore la reproduction de l’autochrome insérée dans quatre encoches en première page. Imprimée sur un papier...