La récente publication par la maison Marchialy du Musée de la baleine (que vous ne verrez jamais), de l’Américaine A. Kendra Greene offre un parfait condensé de l’activité de cette maison fondée en 2016 : produire des livres aussi dépaysants que possible sans un gramme de fiction, et sur la base d’obsessions assumées. Ainsi, l’artiste Greene, s’apercevant du goût des Islandais pour la collection, a parcouru l’île pour en observer les centaines de projets muséographiques voués à des accumulations parfois bien farfelues. Dans le domaine, le musée des sexes de mammifères n’est qu’un exemple à peine plus relevé que la moyenne… Au fil du temps, la variété des sujets des livres de Marchialy et leur caractère inattendu ont composé une sorte de contrepoint à l’encyclopédie de notre époque. Dépeignée, cela va sans dire : on y croise des dinosaures en Amérique du Sud, des faussaires en livres anciens aux USA, une radio en Afrique, des prostituées à Belleville, des lacs dans les Balkans… Et puis on apprend comment créer un dieu, gérer un footballeur ou s’occuper d’une vache.
L’entité éditoriale se compose de Clémence Billault et Cyril Gay qui œuvrent sur les textes, et de Guillaume Guilpart qui assume la création graphique de ces couvertures qui ont fait aussi la renommée de la maison. Après le succès initial de Tokyo Vice (120 000 exemplaires vendus toutes éditions confondues) du journaliste américain Jake Adelstein, la créativité du catalogue monté par la « famille Marchialy », puisque c’est ainsi qu’ils se vivent, n’a pas baissé. Désormais sous la bannière de Delcourt, elle a rejoint le collectif composé de La Croisée et des Avrils et ne souhaite pas abandonner sa voie : pas d’imagination, la réalité est assez riche comme ça.
Pourquoi vous être voués à la non-fiction ?
Tout d’abord il faut noter que « non-fiction » est un terme très récent dans l’édition française. L’expression nous vient des librairies anglo-saxonnes, et notez aussi que non-fiction là-bas n’a pas le même sens ici. C’est probablement pour cette raison – et aussi parce qu’un genre définit par la négative est insatisfaisant – que l’écosystème francophone a cherché d’autres expressions : reportage littéraire, journalisme narratif, littérature du réel, etc. De notre côté, nous parlons désormais de littérature sans fiction. Vous nous direz que c’est aussi une définition par la négative et pourtant elle nous semble la plus juste et la plus compète. Maintenant, pour vous répondre plus directement, nous sommes venus à la littérature sans fiction par goût du rangement (rires). Il y a toujours eu de très bons livres disponibles allant du Quai de Wigan de George Orwell au Quai de Ouistreham de Florence Aubenas, pour les gens férus de cette littérature, il fallait se donner de la peine pour la trouver, éplucher les catalogues et les bibliographies, courir les librairies d’occasion (petit rappel : nous sommes assez âgé·es pour avoir connu le monde sans Internet). Puis...
Éditeur L’intrépide quête du lapin blanc
novembre 2023 | Le Matricule des Anges n°248
| par
Éric Dussert
Vouées à la non-fiction, les éditions Marchialy privilégient l’expérience et le regard singuliers plutôt que l’imagination : le monde est riche, parfois merveilleux, toujours surprenant.
Un éditeur