Si j’écris c’est par l’inquiétude / parce que j’avais souci de la vie / de la félicité des êtres / serrés dans l’ombre du soir « . C’est une voix de la compassion tourmentée, calme et sombre, inutilement vouée à articuler la part du mal, de la violence et de l’injustice que l’homme inflige à l’homme. Le mieux que l’on puisse espérer, c’est la trêve : » Sommes-nous tout simplement prédestinés au mal et la vie n’est-elle faite que de trêves où nous séjournons pour ne pas haïr et ne pas donner de coups ? « . Antonella Anedda interroge continûment cette notion de trêve, » aire de soulagement veinée de crainte « , telle métaphore de son propre état d’esprit, provisoirement à l’abri d’angoisses non loin tapies. Admettre et domestiquer la souffrance : » Supporte tes pensées dans l’ombre épaisse « ; » Accepte le désespoir « , voilà sa tâche, que figure le paradigme de l’obscur, de la nuit, de l’ombre, exprimés de moult façons au fil des poèmes ( » Les mains déplacent dans l’ombre les bols pour le soir « ). Tandis que les termes opposés ne sont pas donnés comme vainqueurs : la clarté est » souffrante « , les lueurs » hostiles « . Le monde, la terre, les saisons, les objets, les heures sont intériorisés dans une représentation hallucinée et étrangement harmonieuse, où le petit, l’intime - » vision souterraine d’un fleuve sous l’entrelacs des doigts « - côtoie le lointain et l’abstrait : » le futur libère de la vapeur « , » la terre éclairée par la double voile des draps « . Ce qui existe - le blanc de la vitre, ou les aiguilles de pin - est innocent, mais intransitif : » chaque forme renvoie seulement à une autre forme « , et » la lune (…) ne forme pas un bouclier contre la douleur « . Le désespoir est tranquille, dans ce recueil bouleversant, comme le courage est oblique et la lumière basse ; faut-il ajouter que l’écriture, lieu ultime du repli, est elle aussi » le tourment qui s’accroît / sur le noir des lettres, la quiétude sinistre / de l’ombre d’une main que le papier ".
NUITS DE PAIX OCCIDENTALE
& AUTRES POÈMES
d’ANTONELLA ANEDDA
Traduit de l’italien par Jean-Baptiste Para, L’Escampette, 105 pages, 13 €
Poésie Nuits de paix
février 2009 | Le Matricule des Anges n°100
| par
Marta Krol
Un livre
Nuits de paix
Par
Marta Krol
Le Matricule des Anges n°100
, février 2009.