Une citation de James Crumley ouvre le roman d’André Bucher. Quel peut être le rapport entre un auteur de polars du Montana et un jeune débutant provençal de 57 ans ? Une indépendance d’esprit ? Un paysage de montagne ? Une secrète connivence de pêcheurs à la truite, qu’ils soient de Missoula ou de la vallée du Jabron. Comme ses personnages, André Bucher est paysan. Dans une ferme isolée, le grand-père vient de mourir. Il laisse une vie à déchiffrer. L’ubac de notre auteur, c’est lui. Un pied dans la luzerne, l’autre dans le blues, il se nourrissait de livres, chassait le sanglier, luttait pied à pied avec l’âpreté des montagnes, convaincu que la terre appartient à ceux qui la travaillent. Un libre penseur. Sur sa tombe, deux inconnus. Son fils, exilé dans une banlieue dortoir, et son petit-fils, arraché, emporté enfant par sa mère loin de son père et des montagnes. Il a 18 ans aujourd’hui, il revient « au pays des grands-parents. Un pays qui vient de loin, du besoin, de l’enfance dont on est privé ». Maladresse ou surécriture, les personnages d’André Bucher parlent comme des livres, la bouche pleine d’une parole emphatique et d’une sagesse quasi érémitique. Leurs silences même paraissent bavards. Pourtant l’agacement cède peu à peu la place à l’émotion. Père et fils se découvrent à tâtons, esquissent une nouvelle carte du tendre. Ensemble, précautionneusement, ils s’inventent un passé, une enfance… et un père.
Le Pays qui vient de loin d’André Bucher
Sabine Wespieser, 188 pages, 18 €
Domaine français La gloire de mon père
septembre 2003 | Le Matricule des Anges n°46
| par
Anne Riera
Un livre
La gloire de mon père
Par
Anne Riera
Le Matricule des Anges n°46
, septembre 2003.