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Domaine français De la saveur du sexe

septembre 2003 | Le Matricule des Anges n°46 | par Philippe Castells

Comment après un viol une femme organise avec une froideur méthodique sa survie. Un récit de Hélène Duffau aux délétères arômes.

Elle a subi les derniers outrages. Elle décide de parler, de décrire les conséquences de ce qu’elle a vécu, ce en quoi l’agression l’a transformée. Or, pas de poésie dans le viol. De la violence seule peut en sortir, froide, clinique. Une violence qui à la fois est une peur et un refus, une violence non agressive, concentrée sur elle-même. Et c’est pourquoi ce récit nous surprend, cette sorte d’atonie généralisée autant dans la forme littéraire que dans la chose décrite. Le trauma c’est comment se fermer au monde, et prétendre vivre. Il ne s’agit pas ici de narrer l’expérience vécue, de justifier l’aventure. Pas de voyeurisme rétrospectif. Il s’agit d’organiser l’avenir après l’outrage.
Le constat, à première vue, peut paraître trivial, mais Hélène Duffau nous démontre avec une vision, une cruauté de femelle, c’est-à-dire sexuée et bestiale, ce que le traumatisme d’une telle abomination peut engendrer comme introversion, et comme aberration comportementale.
Dans son langage la narratrice laisse poindre le malaise, on imagine une femme seule racontant, se racontant, d’une voix blanche et monotone à un auditoire invisible, à un improbable confident ; pas d’effet de style ni d’enluminure syntaxique, juste un récit circonstancié de son quotidien, avec quelque chose de méthodique, voire de rituel dans chaque geste.
L’héroïne, la victime, nous conte par le menu l’organisation de sa défiance des personnes, des moindres contacts humains. Elle l’annonce : « J’ai organisé ma quiétude » et chacun pourrait comprendre que l’autre, autrui, et plus particulièrement le mâle, puisque d’homme il n’y a point, juste des fauves, et encore, sans majesté, des bêtes, des brutes, soit proscrit du courant naturel de son existence. Ce serait sans compter les diktats de la nature, et ses déviances aussi.
Le message a le mérite d’être clair : « Je ne supporte pas l’idée d’être jugée. Je hais la sentence ». Il ne s’agit donc pas de séduire ou d’attendrir le dépositaire de cette confession. Et pourtant, malgré la franchise affichée, on entend comme un manque de naturel dans cette diction, quelque chose de contraint, puis on découvre à quoi tout cela mène. À le dire on pourrait croire à une boutade, mais l’humour n’œuvre guère ici. Qu’elle le collecte, le conserve ou bien le cuisine et le déguste, le sperme est devenu l’élixir nécessaire à la vie de la narratrice, à sa survie même. Succube ou vampire on ne sait plus trop à quoi l’expérience a abouti, sans doute pas au plaisir, sans doute pas à l’amour, mais à la faim, juste, comme une sorte de médication doublée d’une dépendance. Voilà donc à quoi la traumatisée se réduit : une droguée et qui, comme telle, organise toute son existence autour de sa toxicomanie. Le sperme en tant que stupéfiant présente quelque originalité, mais revisité comme mets d’une nouvelle cuisine, on frôle le déraisonnable !
Outre l’aspect aseptisé des phrases, ce qui répond également à un besoin physique de propreté de la narratrice, la modernité du texte passe par les incipit de chaque paragraphe. Ceux-ci sont extraits de chansons dont les interprètes sont reconnus plus pour leur violence musicale que pour leur talent littéraire, mais passé le choc de cet apparent décalage, la justification de ces citations s’avère.
Sex, violence and drug, le cocktail n’est pas nouveau mais revisité, mixé, dans un cadre inattendu, presque tragique, en tout cas pathétique. Et si, en fin de compte, il existe une semence masculine que la victime n’ait jamais consommée, on peut peut-être comprendre qu’au viol originel il manqua une étape et que la narratrice comble par son trauma la perfection de sa douleur, dans une forme d’esthétique masochiste.

Trauma
HélÈne Duffau
Gallimard
135 pages, 10,50

De la saveur du sexe Par Philippe Castells
Le Matricule des Anges n°46 , septembre 2003.
LMDA PDF n°46
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