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Théâtre Identité multiple

février 2024 | Le Matricule des Anges n°250 | par Patrick Gay Bellile

Variations hongroises autour d’un prénom. C’est par lui que commencent les présentations et les ennuis.

Tünde (suivi de) Ladilom

Tünde Deák, dramaturge et metteuse en scène, est d’origine hongroise. Née à Nanterre d’un père qui a fui Budapest en 1956, a parcouru le monde, a travaillé vingt ans en France, puis est retourné en Hongrie. Lorsqu’on lui demande son prénom, qu’elle se présente à un agent immobilier ou à un employeur potentiel, son curieux prénom interpelle. D’où vient-il ? De quel pays ? Que raconte-t-il ? Masculin ou féminin ? Comment le prononcer ? Et ses interlocuteurs de faire des suppositions. D’opérer des rapprochements avec des mots connus ou entendus aux quatre coins de la planète. Car il faut bien lui trouver une place à ce prénom bizarre, et donc à la personne qui le porte. À partir de ces propositions, Tünde Deák s’invente des vies, s’imagine être une autre. « Toundé, c’est un prénom d’homme africain, tout le monde sait ça. » Et la voilà au Bénin. « Toundra ? Oui, je m’appelle Toundra. Je vis au milieu des yourtes dans une steppe balayée par le vent glacial. » Et c’est la Mongolie. Un collègue l’appelle Dundee parce que « c’est plus facile tu vois, au moins on voit de quoi on parle. » Va pour Dundee, et elle se rêve crocodile en Australie. Et la liste semble sans fin : Tündeuh, Thuesday, Kinder, Toutoune, Troudy, jusqu’à cette marque de voiture sortie en 1992 : « Twingo ? Sérieux, tu t’appelles Twingo, comme la voiture ? »
Mais derrière l’humour que l’autrice déploie autour de ces jeux de mots, le texte raconte la difficulté à être, à habiter, à faire reconnaître une culture dans un pays différent. Comme si le fait de prononcer mal un prénom troublait la perception de celle qui le porte, la floutait en quelque sorte. La rendait étrange et inquiétante. Alors, choisir de l’assimiler à quelque chose de connu, rassure. En niant ce qu’est la personne, sa culture, son histoire et son originalité. Et cette histoire, à la fois documentaire et fiction, ou plutôt extrapolation, l’autrice la croise avec celle de son père, Huba, « comme le marsupilami » qui voyageant à travers le monde, a préféré chaque fois changer de prénom, plutôt que de dégrader le sien. Pour finalement revenir chez lui.
Mais elle, d’où est-elle ? Les Hongrois ne la reconnaissent pas totalement comme l’une des leurs : un drôle d’accent, et puis « pour être une vraie Hongroise, il aurait fallu que j’aie une mère hongroise et que j’aille à l’école en Hongrie. » Et pourtant, de passage en Hongrie elle est heureuse d’entendre enfin son prénom prononcé correctement. Alors elle se battra avec cette langue, tentant de la parler en famille, avec sa grand-mère, puis s’y refusant. La pièce se présente sous la forme d’un monologue, un récit de vie à la première personne, tressant ensemble la vie de Tünde et celle de son père. Une vie documentaire pour lui, une vie en grande partie fictive et fantaisiste pour elle, imaginée à partir de son prénom et des difficultés à le prononcer. Les petites scènes courtes s’enchaînent, mêlant les deux histoires qui se rejoignent, s’écartent ou progressent en parallèle. Et puis de temps en temps, un poème. Écrit par Huba Deák, en hongrois et traduit par lui-même.
Le second texte, Ladilom, est une commande du festival d’Avignon dans le cadre de « Vive le sujet ! ». L’autrice choisit de se dédoubler pour se questionner elle-même, et raconter comment une berceuse hongroise lui est soudain revenue au moment d’une maternité. Elle n’avait plus parlé hongrois depuis treize ans, et c’est pourtant cette berceuse venue du plus profond de la mémoire, qui lui revient pour endormir son enfant. Et cette berceuse la remet face à cette double culture donc aucune ne veut s’avouer vaincue. Dualité des origines. « Ladilom, c’est juste une chanson, mais elle ramène avec elle toutes les autres chansons. Elle fait ressurgir une langue, une culture, un pays, toute cette part de toi que tu as voulu laisser de côté. » Deux beaux textes qui résonnent et se renvoient la balle.

PGB

Tünde [tyndε] suivi de Ladilom
Tünde Deák
Koïnè éditions, 120 pages, 12

Identité multiple Par Patrick Gay Bellile
Le Matricule des Anges n°250 , février 2024.
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