Un livre

Marées vaches

de Maud Joiret

Editions Castor Astral

Être, c’est oser, alors elle ose, avec une sorte de frénésie rock, Maud Joiret, une poétesse et performeuse née à Bruxelles, en 1986. Elle se délivre, délie, exhibe, chevauche, provoque. « On peut lire le futur dans mes poils dressés / en langue hermaphrodite ». C’est dire qu’elle a le sens de l’impact des mots et que son écriture naît d’un rapport armé à la réalité, à la matière du vécu, du perçu, de l’agi. « Il n’y a pas de parole juste / sans ricochets de langue / écarte les jambes / abreuve-moi liquide / à mille dimensions / que je me noie / marée sonore ». Comment dire avec force le trouble, la concaténation des perceptions, les « hématomes de l’hébétude », les « entremêlements hypnotiques », les encastrements d’insolence ? Si ce n’est en visant des formes nouvelles d’intensité de la parole poétique, en multipliant, à la limite du poème et du viol de ce qui est, les approches guerrières des événements au travers desquels nous nous rencontrons ou nous découvrons vulnérables. « Je convoque / le pire de mes escapades / où l’urgence prévaut sur tout / c’est toujours à ces moments-là / que je me sens le plus / en adéquation avec ce qui se passe ». D’où la violence avec laquelle sont articulés des signes désamarrés, sont orchestrés des désespoirs somptueux, des exactitudes d’extase. « Conjugaison barbare et aristocratique des gammes / photogéniques / de l’indécence // je saute sur moi parfois sur toi / onanisant hosanna / au creux de moi une cible vivante / en demi-lunes, morsures et présence ».
Une poésie sauvage, intraitable, qui tient du sang torrentueux de ce qui palpite sous la rage de surprendre l’envers des codes imposés du penser et de l’exister. Une poésie qui a souvent la force d’une éruption scandaleuse « à équidistance parfaite de la folie / et de la peur ».

Richard Blin

Marées
Maud Joiret
Préface de Fanny Chiarello
Le Castor astral, 160 pages, 9,90 €