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Domaine étranger L’art de la déduction

septembre 2023 | Le Matricule des Anges n°246 | par Guillaume Contré

Si Chesterton fut, entre autres, un des meilleurs écrivains anglais de « detective fiction » c’est parce qu’il n’en était justement pas un, ce que démontrera cette réédition bienvenue.

Publiées de manière posthume quelques mois après la mort de leur auteur en 1936, les nouvelles qui composent Les Paradoxes de M. Pond représentent l’ultime production « policière » de Gilbert Keith Chesterton, écrivain formidable dans tous les sens du terme (par son physique imposant d’abord, qu’il n’hésitait pas lui-même à caricaturer, et surtout par l’immensité, la variété et la qualité de sa production littéraire).
Son M. Pond partage nombre de traits avec le plus célèbre des détectives chestertoniens, le Père Brown : comme lui, il semble de prime abord fade et presque ennuyeux, loin de l’arrogance d’un Sherlock Holmes ; comme lui, il est d’une urbanité sans faille, préférant laisser les autres exprimer leur point de vue erroné avant de donner enfin sa lumineuse et très ingénieuse interprétation de l’énigme à résoudre, qui a souvent des airs de parabole. Mais il incarne aussi, plus encore que le petit curé, ce qui a rendu immortel l’art de Chesterton : le goût du paradoxe.
De fait, chacune des nouvelles s’ouvre sur un paradoxe, énoncé discrètement, avec un naturel des plus désarmant, par M. Pond, qui se garde bien de paraître autre chose que ce qu’il est en apparence, un fonctionnaire, un gratte-papier. Il s’est fait une spécialité « des discours brillants mais un peu prolixes » que l’on écoute d’une oreille distraite avant de sursauter lorsqu’il sort, d’un ton badin, quelque énormité paradoxale qui défie en apparence le sens commun de ses amis, à commencer par celui de Sir Hubert Wotton, quintessence du diplomate anglais que Chesterton – lui qui s’opposa à l’impérialisme britannique – s’amuse, avec son ironie aussi bonhomme que dévastatrice, à décrire en sympathique imbécile.
La « précision prosaïque » des affirmations de M. Pond, qui « ressemblait à un poisson aux yeux ronds affublé de la barbe et du front de Socrate », lui permet toutes les libertés, lesquelles ne sont jamais gratuites. C’est là, d’ailleurs, une des règles du récit policier que Chesterton – même si les énigmes qu’il propose sont souvent invraisemblables – respecte à la lettre : les détails ou propos en apparence insignifiants sont souvent ceux qui prennent le plus de sens quand la solution nous est révélée. Dès lors, lorsque M. Pond annonce que « dans la nature, il faut aller très bas pour trouver des choses qui aillent si haut », le lecteur et les auditeurs de notre affable fonctionnaire – citons encore parmi eux le capitaine Gahagan, beau gosse irlandais « qui ne s’était jamais servi de ses dix doigts » – ont bien compris qu’il y avait anguille sous roche et que ce sera la clarté qui jaillira finalement de l’apparente obscurité nonsensique du propos.
Chesterton, en réalité, n’était pas un écrivain de littérature policière et se servait du genre à d’autres fins. Ce n’est pas le moindre de ses talents, dès lors, qu’une foule de lecteurs qui ne sont ni nécessairement catholiques ni particulièrement conservateurs continuent encore et toujours d’apprécier la prose agile, drôle et subtile de ce catholique et conservateur flamboyant. Mais il est vrai qu’être un catholique converti outre-Manche fut toujours une forme d’excentricité et que certains des plus remarquables écrivains anglais du XXe siècle appartiennent à cette catégorie.
Inutile, donc, de détailler le contenu des intrigues du recueil, disons simplement qu’elles impliquent aussi bien des tasses de café empoisonnées, un singe, plusieurs messagers prussiens galopant sur une digue, ou encore « l’honorable Violet », qui se pique de théâtre et est « l’une de ces femmes riches qui paient pour jouer mal, prenant la place de gens plus pauvres qui auraient pu être payés pour jouer bien ».
Les aphorismes et les remarques provocatrices abondent : « combien d’hommes ont-ils vendu leur âme pour être admiré par des imbéciles ? » ; « la vie est artistique par bribes, mais non dans son ensemble » ; « on suppute que la malheureuse créature allait donner des conférences en Amérique, entraînée par ce mystérieux instinct qui soumet à cette impulsion tout individu ayant acquis une quelconque notoriété », etc. Un siècle plus tard, la verve chestertonienne séduit toujours autant.

Guillaume Contré

Les Paradoxes de M. Pond
G. K. Chesterton
Traduit de l’anglais par Monique Silberstein
Noir sur blanc, 192 pages, 21

L’art de la déduction Par Guillaume Contré
Le Matricule des Anges n°246 , septembre 2023.
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