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Domaine français Passé résolu

septembre 2023 | Le Matricule des Anges n°246 | par Etienne Leterrier-Grimal

Quête d’une vérité enfouie, L’Enfant dans le taxi médite sur la nature et la force des liens qui nous tissent. Dont la littérature.

L' Enfant dans le taxi

Pourquoi remuer ces choses qui ne font plaisir à personne, ces histoires arrivées à d’autres que (soi) il y a longtemps, dont bientôt même les plus lointains acteurs seront morts, morts et enterrés dix fois ? » La question traverse comme un reproche L’Enfant dans le taxi, enquête romanesque de Sylvain Prudhomme sur le chaînon manquant d’une famille aux multiples rejetons, dont est issu aussi le narrateur : Simon, bientôt la cinquantaine, père de deux enfants, écrivain, et fraîchement divorcé.
La cassure est double : au même moment où il enterre son couple, Simon enterre aussi son grand-père Malusci. Celui-là même dont Sylvain Prudhomme avait déjà évoqué la figure dans un précédent texte intitulé Là avait dit Bahi. Cette perte va définir un régime de narration dont les lignes s’entrecroisent comme dans un écheveau où les souvenirs et le présent alternent. Et la trame apparaît lorsque Malusci est mis en terre, et que surgit alors le secret d’un passé écrasé par le silence des années. Malusci a eu un fils après la Seconde Guerre Mondiale, un enfant d’une femme allemande mystérieuse et belle. Il n’a jamais reconnu l’enfant.
De là l’enquête, qui semble au début vaine et obsessionnelle, d’un écrivain pour un secret de famille dont plus personne ne veut entendre parler, soixante ans plus tard. C’est, comme il l’explique, « l’extrémité d’une pelote sur laquelle j’avais aussitôt senti que je n’aurais qu’à tirer pour faire venir à moi le reste de l’histoire ». Malgré les mises en garde familiales, Simon tâche de retisser ce fil entre les présents et les disparus, morts ou vivants, légitimes ou non. Comme pour réparer le lien, comme pour tâcher aussi peut-être d’apaiser ses propres ruptures, amoureuses et familiales.
Qu’un écrivain soit le narrateur suffit d’ailleurs à nous mettre sur une piste : il n’est pas impossible que L’Enfant dans le taxi thématise ce qui selon Prudhomme constitue sans doute la formule et la vocation de l’écriture : donner une histoire à ceux qui n’en ont pas. Voix contre silence. Mémoire contre oubli. Et peut-être retrouver les fils cachés. La recherche de celui de Malusci prend parfois ainsi des airs d’introspection mélancolique, des allures de road-movie, où père et enfants glanent des indices et se trompent, entre France et Allemagne. C’est aussi une enquête au gré des rencontres et des témoins : ceux qui parlent pour livrer une bribe du secret, et ceux qui ne parlent pas. Porté par le rythme d’une prose à longues phrases tendues, ce récit mobile finit par clamer en creux le pouvoir de la vérité dite et celui de la littérature sur le néant. Et clame la remise en question du silence pesant des familles et de la figure patriarcale qui en impose les règles.
Et puis, le narrateur de L’Enfant dans le taxi évoque la figure de l’Enfant Bâtard, figure type de l’écrivain qu’analysait la critique Marthe Robert dans un célèbre ouvrage paru en 1973 et dont le titre, Roman des origines et origines du roman, fait quelque peu écho avec le récit. Bâtard, car contre la figure du père, ce roman des origines familiales oubliées vaut aussi comme construction d’un autre monde possible dans un récit inédit qui éclate au grand jour. Bâtard aussi puisque le narrateur, comme l’enfant caché qui ne portera jamais d’autre nom que M., se trouvent tous les deux être « les condamnés au remodelage, à la fiction », rendant le monde habitable par le récit qu’ils imposent à sa face.
« Je me suis vu dans ma solitude nouvelle, face au vertige de n’avoir plus personne à qui m’adosser, attiré par cet esseulé majuscule, ce délaissé qui avait connu l’abandon le vrai. Je me suis demandé quelle vérité j’espérais qu’il me dise. J’ai songé à mon métier d’écrire » : d’enquête familiale, L’Enfant dans le taxi se révèle ainsi un roman sur la réparation de soi, et un beau texte sur le pouvoir salvateur de l’écriture.

Étienne Leterrier-Grimal

L’Enfant dans le taxi
Sylvain Prudhomme
Éditions de Minuit, 224 pages, 20

Passé résolu Par Etienne Leterrier-Grimal
Le Matricule des Anges n°246 , septembre 2023.
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