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Domaine français Courir, éperdument

juillet 2023 | Le Matricule des Anges n°245 | par Anne Kiesel

Au XIXe siècle, les débuts de l’olympisme servent de cadre à ce roman de Serge Airoldi, à lire à toute berzingue.

Cette Épreuve est un joli jeu entre réel et invention, fiction et faits historiques, histoire familiale reconstituée et personnages célèbres. Serge Airoldi, auteur d’une vingtaine de livres, raconte le parcours de quelqu’un qui pourrait être son aïeul, plus ou moins réinventé, selon sa liberté de créateur : Carlo Airoldi, marathonien rural et perdant magnifique. Nous sommes en 1896, à l’époque où s’invente le marathon olympique. La première épreuve vient d’être remportée par un berger grec répondant au doux nom de Spyrídon Loúis. Pour Carlo Airoldi, c’est la défaite de sa vie : il a tout fait pour y participer, il aurait dû gagner cette course mythique et entrer dans l’Histoire.
Serge Airoldi raconte la vie de Carlo, en bousculant la chronologie. De brefs chapitres, parfois séparés par des monologues intérieurs en italiques. Il n’est nul besoin de s’intéresser au sport pour être accroché par ce destin obstiné. Et touché par la narration très incarnée de l’auteur, qui mélange les points de vue, introduit lettres, citations, coupures de journaux.
Michel Bréal, linguiste distingué, suggéra à Pierre de Coubertin d’introduire le marathon dans les premiers Jeux olympiques modernes. On est heureux de découvrir cet extrait de lettre que le premier adressa au second en 1908 : « Je suis convaincu que les exercices physiques sont le meilleur antidote et les plus sûrs préservatifs contre la pornographie. »
Carlo, enfant à la campagne dans l’Italie du Nord, est costaud, bagarreur, lance des défis dans tous les sens, pendant que l’auteur, dans le même désordre maîtrisé, passe sans transition de la première à la troisième personne. Rien n’est impossible pour le gamin, ni pour l’écrivain, qui fait se rencontrer son personnage et Buffalo Bill. Carlo court. « Il ignore ce qu’aller plus loin signifie. Aller lui suffit. Il faut aller. Y aller. Il court comme son père martèle dans sa forge, avec la cadence qu’impose au geste la volonté. »
Devenu adulte, il travaille en usine et court dès qu’il peut. Il court avec Oreste Pozzi et Amilcare Macchi, deux types de son âge. « Ensemble, ils développent des foulées où Carlo impose de la force. Carlo aime infliger cette difficulté aux deux autres aux jambes fuselées qui absorbent les kilomètres comme de vrais coureurs de fond. Carlo se moque de cette qualité parfaitement étrangère à son style. D’ailleurs il n’a pas de style. Ses bras arrachent loin devant le buste des masses d’air pour propulser son volume vers l’avenir. »
Il court avec fureur, il en veut à Spyrídon, lui qui a été écarté de ce marathon historique, il tient à sa revanche, « je veux un marathon, stronzo porco, Spyrídon, farabutto, connard, cornuto, crève avec ton roi, ton prince et tous ces types qui m’ont empêché. Pisse du sang par les yeux. Pisse du sang par où tu veux Spyrídon. »
C’est tragique, c’est épique, c’est bien raconté. Avec ici un chouïa d’assonances : « Carlo remâche le micmac atrabilaire, maladivement. Il a la mine du matou contrarié qui aurait bu du vinaigre. » Ailleurs une apocalyptique météo le contrariant dans une folle entreprise : « Carlo a vu une masse noire et menaçante s’accumuler aux sommets du Velebit. (…) Puis une hurlerie a déferlé des pentes à la façon d’une cataracte très sonore, saturée dans les graves comme dans les aigus. Maintenant les Érinyes dansaient au bal infernal et toute la folie du monde s’endiablait. » Comment ne pas se laisser séduire par ces excès ?
Pendant ce temps, l’Italie est défaite en Éthiopie, lors de la bataille d’Adoua, dans le Tigré, en 1896. Et Carlo, l’ouvrier qui court, est scandalisé. « Notre pays est ridicule. Crispi est lamentable. Notre âme est souillée. (…) Qu’avions-nous besoin d’aller claironner là-bas, conquérir qui sait quoi (…) ? Que ne s’occupe-t-on plutôt de la malaria dans nos marais, de la faim qui tiraille nos familles, de la misère qui nous accable ? »

Anne Kiesel

L’Épreuve
Serge Airoldi
Inculte, 190 pages, 19,90

Courir, éperdument Par Anne Kiesel
Le Matricule des Anges n°245 , juillet 2023.
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