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Domaine français Boulevard intérieur

juin 2023 | Le Matricule des Anges n°244 | par Anne Kiesel

Michèle Audin, mathématicienne et spécialiste de la Commune de Paris, jette un regard malicieux sur l’artère Voltaire.

Paris, boulevard Voltaire/Ponts

C’est un livre qui ne ressemble à rien. Rien de connu par ailleurs ou de déjà lu. Il est composé de chapitres aux styles très différents, suivis d’une série de poèmes. Michèle Audin s’impose deux contraintes géographico-littéraires (ce n’est pas pour rien qu’elle est membre de l’Oulipo). D’abord elle suit le boulevard Voltaire, «  la plus longue ligne absolument droite du Paris haussmannien : presque 3 kilomètres » qui s’en va de République jusqu’à Nation. Elle y effectue treize haltes et autant de chapitres. Puis elle franchit les 35 ponts sur la Seine et leur offre un poème à chacun. Voilà le dispositif, mêlant vers et prose, récits historiques et témoignages personnels, pastiches et combinaisons allègres de toutes les formes d’écriture.
Dès l’avant-propos, le ton est donné : inauguré en 1862, le boulevard Voltaire forme un triangle avec le boulevard Diderot et le boulevard Richard-Lenoir, « il donnait au pouvoir la maîtrise militaire des faubourgs Saint-Antoine et du Temple (…) où les troupes avaient eu tant de mal à prendre les barricades en juin 1848. (…) Ici on pourrait non seulement charger à cheval mais aussi tirer au canon ». Et dès les premiers chapitres, la fantaisie – qui n’empêche pas la rigueur historique – s’installe. Un lion cracheur d’eau raconte sa mélancolie de statue. En 1871, il se trouvait place du Château-d’Eau, « c’était mon tout premier printemps, peut-être le plus beau de tous les printemps. (…) Il y a eu des fêtes, de la joie, de la musique de victoire, des cris, vive la République ! vive la Commune !  » Quelle belle époque, dont se souvient le lion qui s’ennuie ferme maintenant, place Félix-Eboué, où il a été exilé.
Plus loin, c’est son histoire intime que raconte Michèle Audin, avec ce cinéma de quartier où elle a vu Céline et Julie vont en bateau, en compagnie d’un peut-être futur amoureux. On comprend que ça a marché entre eux : ils sont allés voir L’Amour fou, Les Ailes du désir… Ensuite le Saint-Ambroise a fermé, « remplacé par un marchand de voitures allemandes, puis le bâtiment lui-même a disparu, au profit d’un terrain rectangulaire longé de murs qui ressemblera peut-être un jour à un jardin. »
Quel festin, ce melting-pot de culture, de notes historiques, de regard tendre, d’engagement politique, d’excentricités littéraires ! Michèle Audin offre mises en bouche, entrées, plats, mignardises et pousse-café avec cette inventivité joyeuse appliquée à un contenu politique, historique, géographique. On se balade dans le temps. Les souvenirs d’une couturière en 1789. Charonne 1962. Le café Le Dalou, à Nation, en 2022. Et on se promet d’arpenter le boulevard en relisant le livre. 
Et puis on passe à la deuxième partie, celle des ponts et des poèmes. « Le plus long pont de Paris/commence ici à Bercy/il faut laisser son vélo/et voyager en métro/au-dessus de la Rapée/débute la traversée » Hmmm… Était-ce vraiment la peine que Michèle Audin s’autoproclame poète pour en arriver à écrire ça ? Alors qu’elle est en réalité une grande mathématicienne, spécialiste de la géométrie symplectique, une sommité dans le domaine de l’histoire de la Commune de Paris, et qu’elle a refusé en 2009 la Légion d’honneur parce que Sarkozy n’avait pas donné de réponse à propos de la disparition de son père, Maurice Audin, mort sous la torture en 1957 en Algérie, après avoir été arrêté par les parachutistes du général Massu ?
Il suffit d’aller jusqu’au bout du petit texte consacré au pont de Bercy pour dénouer l’affaire. L’autrice se joue avec gourmandise du système des notes, en les multipliant à la fin de chacun des poèmes (et en surtout ne les rattachant à rien dans le texte principal) : « 14. se prêter franchement au jeu de la poésie. 15. même pour faire des vers de mirliton. » Elle a joint la liste des formes utilisées : distique, lipogramme, mésostiche, monosyllabe… Un festin, décidément.

Anne Kiesel

Paris, boulevard Voltaire
Michèle Audin
l’Arbalète Gallimard, 150 p., 17

Boulevard intérieur Par Anne Kiesel
Le Matricule des Anges n°244 , juin 2023.
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