La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Essais Drame pas mineur

juin 2023 | Le Matricule des Anges n°244 | par Etienne Leterrier-Grimal

Enquête sur une tragédie vieille de plus d’un demi-siècle, La Mine en procès de Philippe Artières est également un livre riche d’éclairages sur des questions politiques bien contemporaines.

La Mine en procès. Fouquières-lès-Lens, 1970

Au matin du 4 février 1970, une explosion au grisou dans la mine de charbon de Fouquières-lès-Lens cause la mort immédiate de seize ouvriers. L’événement consterne, puis révolte. Bientôt, il déclenche une mobilisation dont l’historien Philippe Artières, dans un ouvrage abondamment documenté, relate toute l’importance et scrute les aspects. Au-delà du fait divers ou de l’accident, en effet, l’indignation gagne les mineurs, leurs familles. On accuse la course au rendement de l’entreprise, au détriment de la sécurité. De jeunes ouvriers maoïstes lancent des cocktails Molotov sur les locaux de la direction à Hénin-Liétard : ils sont rapidement traduits devant les tribunaux. À l’accident scandaleux qui dénonce les « assassins », s’ajoute le spectacle odieux d’une justice de classe. La mine gronde. Les mânes de Zola planent. De là, en quelques mois, le mouvement fait tache d’encre, gagne le PCF, la CGT et les militants de la gauche révolutionnaire, puis (en ces années post-1968), ce sont des ingénieurs, les étudiants de l’École des Mines, médecins, philosophes, intellectuels puis artistes, qui s’ajoutent au cortège. Un fort émoi transformé en événement politique.
Dans ce riche ouvrage, entièrement consacré à l’onde de choc politique créée par la catastrophe, Philippe Artières retrace tout un pan de l’histoire un peu oublié des mines françaises après 1968. Il étudie la culture des mines, la façon dont l’accident est intégré à des pratiques sociales et culturelles préexistantes, mais surtout comment l’événement sert de support à la construction d’une légitimité populaire contraire à ce qui est ressenti comme une illégitimité étatique, violente, qui plus est. Au discours officiel qui soutient le discours patronal, les mineurs et leurs soutiens opposent en effet un contre-discours. À la violence des répressions policières ou judiciaires, répondra de la même façon une violence inverse, dont la légitimité est soigneusement établie par ses défenseurs. Au jugement des tribunaux répondra un tribunal populaire érigé afin de juger de la responsabilité de la direction des mines. Le réquisitoire en est confié à un certain Jean-Paul Sartre : « je me propose de démontrer qu’il n’y a pas eu accident, le 4 février, mais bien et bien assassinat (…). Homicide intentionnel. Il fallait ces morts pour que la production de charbon atteigne son maximum. Il ne les fallait pas nécessairement ce jour-là, (mais) il les fallait, ils étaient prévus, ils faisaient partie de ces 80 morts qui représentent annuellement le triomphe calculé du rendement sur la sécurité. On les a faits d’avance, ces morts, dans les Grands Bureaux, où l’on tient les ouvriers pour de simples machines dont on se sert jusqu’à ce qu’elles soient usées ; je vous propose donc les conclusions suivantes : l’État-patron est coupable de l’assassinat du 4 février 1970  ».
Philippe Artières parvient à rendre particulièrement vivante cette évocation d’un procès ancré dans l’épaisseur de la socialité des mines, à en recréer le contexte et la dramaturgie fine et à rendre vie à toute une époque grâce aux nombreux documents qu’il convoque : affiches, tracts, rapports officiels, journaux intimes ou coupures de presse… Figurent même quelques-unes des œuvres de l’exposition-vente organisée près d’un an après la catastrophe par une dizaine de peintres, parmi lesquels Gilles Aillaud ou Eduardo Arroyo, ou Gérard Fromanger. Mais outre son caractère historique, l’événement semble finalement d’une criante pertinence par rapport à notre temps, parce que la légitimité populaire en est la question centrale. Et qu’il met en perspective la façon dont la décrédibilisation systématique des discours et aspiration émanant du peuple (Gilets jaunes d’hier ou front anti-retraites d’aujourd’hui…), ne saurait être longtemps une fatalité, dès lors qu’elle trouve, dans les cercles intellectuels, médiatiques, culturels ou artistiques, un relais d’opinion suffisant.

Étienne Leterrier-Grimal

La Mine en procès. Fouquières-les-Lens, 1970
Philippe Artières
Anamosa, 256 pages, 26

Drame pas mineur Par Etienne Leterrier-Grimal
Le Matricule des Anges n°244 , juin 2023.
LMDA papier n°244
6,90 
LMDA PDF n°244
4,00