Un livre

Rombo

de Esther Kinsky

Editions Christian Bourgois Editeur

Dès l’abord, le titre nous intrigue : ce Rombo est-il un prénom ? Celui du personnage principal ? Nous trouvons en guise d’épigraphe un paragraphe étonnant – extrait d’une Histoire de la géognosie (sic) d’un Friedrich Hoffmann écrivant en 1838 – qui nous donne la réponse. Accompagnant les tremblements de terre, « on relève un vacarme tellurique singulier (…) évoquant un roulement sourd (…) en Calabre ce phénomène très redouté est désigné sous le nom d’il rombo  ». Ce n’est cependant pas en Calabre que nous suivons Esther Kisnky mais dans les montagnes du Frioul, dans un village qu’un tremblement de terre a dévasté, le 6 mai 1976.
Le lecteur fait alors l’expérience d’une tentative littéraire aussi intrigante que l’est le titre ou aussi déstabilisante que le séisme évoqué. Esther Kinsky fait alterner en effet des descriptions des paysages – longues, précises, souvent poétiques – avec des pages que l’on pourrait qualifier d’ethnographiques et enfin des monologues – authentiques, qu’elle aurait recueillis, ou imaginaires ? on ne sait – de huit villageois victimes de cette catastrophe. Si cette œuvre est peut-être moins riche que la précédente (La Rivière, voir Lmda N°186), on retrouve ici la même attention aux êtres et à tout ce qui les entoure : c’est véritablement une terre humaine – en l’occurrence bouleversée – qui est parcourue. Nous percevons « les soupirs de la matière », nous suivons le lit d’un fleuve « qui digère sa propre histoire », nous décrouvrons d’anciens fours à chaux, « lieux d’une brève primauté du feu sur la roche façonnée par l’eau »… Hommes et animaux, arbres et rivières, jusqu’aux montagnes avec leurs blessures sont l’objet d’une observation méticuleuse, d’une attention sans faille pour décrire leur entremêlement. Nous comprenons alors comment la fugacité et la faiblesse de la vie humaine parviennent à garder une forme de noblesse face aux forces de la nature, créatrice et destructrice.

Thierry Cecille

Rombo
Esther Kinsky
Traduit de l’allemand par Olivier Le Lay,
Christian Bourgois, 455 pages, 24 €