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Domaine français De la peinture et de la survie

mai 2023 | Le Matricule des Anges n°243 | par Anne Kiesel

Le goût du café, le regard de celui qui dessine, des migrants qui prennent la mer et de vrais salauds sont les ingrédients de ce premier roman « sicilien ».

Peindre à Palerme. Le titre, alléchant, offre une allitération, un de ces petits cadeaux qui seront glissés au lecteur, non sans malice, à plusieurs reprises au cours du roman (nous y reviendrons). Quand la littérature prend pour thème la peinture, ça peut donner des trésors.
On commence par suivre un personnage un peu étrange, qui arrive à Palerme en ferry et file fissa voir l’Annuciata, au Palazzo Abatellis, cette Vierge au voile bleu peinte au XVe siècle par Antonello de Messine. Le plus naturellement du monde, ils se parlent. L’homme (qui prétend s’appeler Fisch quand il prend une chambre d’hôtel) et la femme peinte (qui a bien conscience de ne pas exister) dialoguent comme s’ils se connaissaient depuis toujours. Cette bizarrerie est immédiatement délicieuse.
Le regard est très cinématographique. Pas étonnant : Yves Chaudouët, dont c’est le premier roman, mais pas le premier texte publié, est aussi peintre, metteur en scène et cinéaste. Il se joue de sa position du narrateur décidant de la suite de l’histoire : « On pourrait s’installer ainsi, dans l’alternance de séquences à un rythme régulier, sériel avec variations, rigoureux comme Bach ou Feldman, rien moins, dans lequel on se loverait, pourquoi pas. (…) On serait dans un livre mais aussi dans l’urgence ivre d’un tournage. » Plus loin, il se moque de lui, l’auteur : « Mais que vient faire cette soudaine intensité amoureuse dans ce qu’on aurait pu garder dans les limites douillettes d’un petit polar ? »
Le personnage de Fisch devient de plus en plus singulier. Il se dépouille de presque tout, se fait voler le peu qu’il a, sans en paraître affecté. Sa légèreté et sa liberté sont à ce prix. C’est alors que le dessin et la peinture reviennent à lui. Il recommence à pratiquer, dans des conditions tout à fait inhabituelles, qui font tout le charme de cette fiction mettant volontiers le pied un peu à côté du réel, économique ou émotif. « Retour vers le port. Son sourire flotte devant lui, il pourrait l’attraper entre ses doigts. Comme chaque fois qu’il se rapproche de la mer, Fisch connaît une sorte de consolation. Sachant qu’il pourra à tout moment plonger, reprendre le cours de sa fuite à la nage, il se sent rassuré. » Si Lewis Caroll n’est pas loin, Raymond Roussel, lui, est évoqué plusieurs reprises. Et l’hôtel de Palerme, dans lequel il a trouvé la mort en 1933, est un vrai personnage du roman. 
Le propos sur l’action de peindre est central dans ce roman qui ne craint pas le saugrenu. Les dialogues avec la Vierge au musée (ce tableau est une annonciation, mais sans la présence de l’ange, lequel se trouve hors champ) sont cruciaux. Voire vous font éclater de rire, quand une gardienne du musée pense à quelqu’un qui téléphone au milieu des tableaux exposés. 
Et le dilemme du peintre est poignant, quand il se retrouve face à un personnage dont nous ne dirons rien pour ne pas gâcher le plaisir du lecteur : « Littéralement coupé en deux, pris entre une fascination et une répulsion équivalentes, il se demande s’il doit pousser cet homme par la fenêtre ouverte (…) ou s’il doit le peindre. (…) Il veut se confronter à la difficulté de représenter ce visage charismatique et répugnant à la fois, ses traits réguliers aussi attrayants qu’angoissants, interdisant de décider s’ils sont l’enveloppe d’une méchanceté sans borne ou d’une épouvantable plaie. » C’est intense, mais également doux. Sauvage et cultivé, dépaysant et familier. Utopique et ancré dans le réel actuel le plus tragique, la crise de l’accueil des exilés.
Et les allitérations, alors ? La « fête faite à Fisch », « Fisch est-il fiché ? » Elles sont des calissons pour l’âme, des bonbons délicieux, mais dont on n’abuse pas.

Anne Kiesel

Peindre à Palerme
Yves Chaudouët
Actes Sud, 224 pages, 21,80

De la peinture et de la survie Par Anne Kiesel
Le Matricule des Anges n°243 , mai 2023.
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