Neuf femmes d’aujourd’hui dont le comportement singulier est particulièrement déboussolant pour les hommes qu’elles rencontrent. Neuf, dont celle qui apprit l’anglais avec un doigt, celle qu’on devait attacher pour qu’elle s’attache, celle qui avait la passion de rompre, celle qui voulait qu’on écrive sur elle, celle qui flatulait… Des femmes qui exigent, accaparent puis disparaissent au nom de leur liberté d’aimer. Entre farce et tragédie, tout glisse ici, tout dérape, les rôles s’inversent, les hommes ont des comportements d’enfant, les femmes se conduisent comme les hommes se comportaient il y a peu, ou pensent que pour mieux vivre, il faut rompre. Constitutifs de chacune de ses vies, l’amour et l’humour sont ici omniprésents, dans le comique de situation, dans la disproportion cause/conséquence, dans une énonciation détachée, dans l’abandon jubilatoire aux effets de parallélisme phonique, au télescopage des signifiés, à l’engendrement verbal à partir d’associations libres. Déstabilisation du sens, second degré, il y a « du sens qui fuit partout dans les mots ». De ce qui semble être dit et n’est pas dit, jusqu’à la découverte d’un message invisible dans le texte visible, tout n’est que jeu avec la langue, dissonance entre sens de surface et sens profond, art aussi de dénouer les nœuds de la logique. Mais derrière cette écriture ludique – qui relève d’un principe de plaisir qui entraîne celui du lecteur – il faut entendre le rire à peine sarcastique d’un homme qui – avec cette impudeur qui fait les écrivains – veut montrer et démonter l’illusion amoureuse et veut sublimer par le rire la comédie de l’amour. « L’amour n’est peut-être que cela : une corde tendue qui vibre et chante ou qui se relâche et dont, dans ce cas, la musicalité se perd. »

Richard Blin

Histoires de la dame qui…
Jean Guerreschi
Serge Safran, 160 pages, 16,90 €