Il voulait être le plus grand écrivain du monde après Shakespeare et Joyce, brûla la vie par les deux bouts, se maria trois fois mais n’aima jamais que sa mère. Il fut marin, serre-frein, cueilleur de fruits, garde-forestier… Dans l’Amérique bien-pensante des années 50-60, il prôna le rejet des valeurs qui font le self-made-man, la liberté sexuelle et le dérèglement de tous les sens. On le proclama roi des Beats, clochard céleste, mais lui s’identifiait plus volontiers à l’Idiot de Dostoïevski. Il était beau, abusa de la marijuana, de la benzédrine et de l’alcool. Il n’était pas à une contradiction près et fut le premier écrivain à passer dans des shows télévisés. Il fut surtout possédé par la fureur d’écrire – douze livres écrits entre 1950 et 1957 – et l’inventeur d’une prose spontanée, celle de ceux qui veulent l’éternité sur-le-champ. Il aurait eu cent ans cette année, un anniversaire qui se célèbre avec un texte inédit, L’Océan est mon frère, et une floraison de rééditions dont The Town and the City, son premier roman publié, le Livre des esquisses, ainsi que son œuvre poétique, Poèmes dispersés et Mexico City Blues.
Jean-Louis Lebris de Kérouac, dit Jack Kerouac, est né le 12 mars 1922 à Lowell, Massachusetts, dans une famille d’immigrés canadiens francophones venus travailler en Nouvelle-Angleterre. Il parle le français du Québec et n’apprendra l’anglais qu’à l’âge de 6 ans, en entrant à l’école. Grâce aux relations de son père imprimeur, il est introduit dans le milieu culturel de la ville, apprend la dactylographie et, dès 13 ans, commence à écrire des poèmes, des pièces de radio, des bribes de fiction. Parallèlement il joue au football américain comme porteur de ballon et s’y montre plutôt bon. Au point d’être recruté par des universités renommées dont celle de Columbia, à New York. Hélas une fracture de la jambe lors de la première saison brisera net sa carrière. Désorienté, il quitte l’université, survit de petits boulots, voyage à travers les États-Unis avant de s’engager dans la marine marchande en 1942 puis d’être incorporé dans la marine en 1943. Ne supportant pas la discipline, il la quittera assez vite au terme d’un long séjour en hôpital psychiatrique.
De retour à la vie civile, il dépense sa solde dans les bars, partage son temps entre Lowell et New York, une ville qui le happe. Le monde interlope de Times Square le fascine tandis que les sollicitations de l’imprévu, les déambulations nocturnes et la musique noire du « nouveau be-bop jazz » – une « sorte de musique américaine sauvage et dionysiaque, une émotion pure, une frénésie qui dégage des vibrations formidables » – le charment et le captivent. C’est l’époque où il fait la connaissance d’Allen Ginsberg, de William Burroughs, et où il apprend le sens originaire du mot Beat, « écrasé », « battu », un mot qui évoque aussi le battement du cœur, le tempo du jazz. Ce terme, il va le tirer du côté de la béatitude, de l’extase des musiciens de jazz « quand ils...
Événement & Grand Fonds Entre blues et rock’n’roll, les riffs de Kerouac
Auteur mythique au chant impulsif, discordant, envoûté, le pape de la Beat generation aurait eu cent ans cette année. L’occasion de le redécouvrir à travers plusieurs rééditions et un roman inédit.