Savions-nous que Walt est un diminutif de Walter ? Ainsi Walter Whitman, avant de publier son poème torrentiel, Feuilles d’herbe en 1855, sans cesse augmenté et remanié, fut-il l’auteur d’un modeste recueil de nouvelles. Six, parmi neuf sont ici pour la première fois traduites. Celui qui eut l’ambition de présenter à l’Amérique sa Bible poétique et lyrique, éloge d’une nature immense et d’un homme nouveau, fut aussi, quoiqu’il s’en cachât, un nouvelliste réaliste. Outre son métier d’imprimeur, l’instituteur itinérant dénonce la violence des maîtres dans l’effrayant « Mort à l’école ». L’alcoolisme est également visé dans « Le bienfaiteur de l’enfant ». Mais c’est compter sans l’amour et la mort, dans « Le garçon amoureux » : « La flèche de Cupidon, profondément enfoncée en lui, avait répandu en son corps un poison puissant mais invisible qui l’avait tué ». Ou encore à travers la « forme humaine martyrisée, tailladée et ensanglantée » du « fils rebelle », où l’inquiétude existentielle côtoie un fétichisme morbide, comme parmi les pages de « Fleurs de tombe ».
Au fil des rééditions de ses fictions couronnées de succès, Whitman eut tendance à effacer des traces d’obscénité, comme l’amour de deux garçons, qui, ici, dans « L’enfant et le libertin », devient bien plus moral. Pourtant l’on sait que Feuilles d’herbe, bien moins apprécié en ses débuts, regorgent d’enthousiasmes érotiques, entre le regard d’une femme sur les ébats aquatiques d’une vingtaine de jeunes hommes, et ces lutteurs qui « s’enlacent, d’une étreinte où se mêlent l’affection et la résistance »…Thierry Guinhut
ÉCRITS DE JEUNNESSE
DE WALT WHITMAN
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Pauline Choay-Lescar, Actes Sud, 160 pages, 16 €
Domaine français Whitman, plus vert
janvier 2016 | Le Matricule des Anges n°169
| par
Thierry Guinhut
Un livre
Whitman, plus vert
Par
Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°169
, janvier 2016.