Rue Saint Ambroise N°36
Fondée en 1999, Rue Saint Ambroise défend inlassablement la nouvelle. La revue a publié plus de quatre cents auteurs, français comme étrangers. Dans ce numéro « Spécial Amériques », Bernardo Toro compare la place de la nouvelle en France et outre-Atlantique. Si « en se nouvellisant, le roman français a marginalisé la nouvelle », elle conserve dans le Nouveau Monde son aura, tout en développant un champ expérimental. « Là où la nouvelle se porte bien, le roman se renouvelle ; mais dès que celle-là cesse d’exploiter de nouvelles voies, celui-ci régresse et s’académise. » L’anglo-saxon (Canada, États-Unis et Antilles) et l’espagnol (Chili, Argentine, Mexique, Pérou) alternent ici sans que les imaginaires, les styles, les techniques diffèrent fondamentalement. Le sexe des auteurs, à parité. Alice Munro, Selva Almada, Ignacio Padilla, Karla Suarez, Mauricio Electorat… Les univers plus urbains offrent des huis clos dans lesquels des relations se font, se défont. À la frontière du réel et de l’intime, au plus près de l’émoi, dans un sas de pudeur et d’outrance. « Regarde ce joli petit restaurant, ce beau restaurant. Il est à l’intérieur et en partie à l’extérieur, tu vois ? Il est à la fois dedans et dehors », déclare un vieil Américain à son épouse, dans « En transit » de Marvis Gallant. Il a coutume d’énoncer tout ce qu’il voit, mobilier, panneaux, destinations. Alors que sa femme pleure en demandant s’il la voit encore… Roberto Bolaño galéra longtemps avant d’être publié, il rappelle avec « Sensini » comment il vécut la nouvelle comme gagne-pain, lorsque gardien de nuit, vendeur ambulant, il participait à des concours en Espagne. En filigrane, sa relation épistolaire avec un écrivain argentin exilé. Délicate, hyper-sensible et riche, cette Rue Saint Ambroise. Dominique Aussenac
RUE SAINT AMBROISE N°36, 210 pages, 12 €, 3 rue Cassini 75014 Paris