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Traduction Maria Béjanovska

octobre 2015 | Le Matricule des Anges n°167

Le Dictionnaire khazar, de Milorad Pavić

Le Dictionnaire khazar

Parmi la trentaine de textes que j’ai traduits en français, Le Dictionnaire khazar occupe une place particulière. Cet été, vingt-cinq ans après sa première publication en France, je l’ai relu, de nouveau happée par ces forces invisibles que sont le rêve, l’amour, les mythes, la tragédie… Impossible de percer tous les secrets de ces histoires inépuisables qui forment une sorte de puzzle diabolique. Quelqu’un disait qu’ « une fois refermée cette machine infernale – si toutefois vous y parvenez un jour – faites attention où vous posez le pied, car Pavić nous enseigne que la réalité, comme la vérité, est une douce illusion… »
Lorsque je traduisais Le Dictionnaire khazar, c’était en 1988, il m’arrivait de me retourner dans la rue pour vérifier qu’un des chasseurs de rêves, échappé du livre, ne m’avait pas à mon tour pris en chasse. C’est un livre magique et envoûtant. Tout comme les Khazars, ce peuple mystérieux qui a vécu à l’embouchure de la Volga sur la mer Caspienne. Leur royaume a été anéanti par les Russes vers l’an 965 de notre ère. Et on n’a retrouvé jusqu’à ce jour aucun vestige matériel de ce peuple : ni bâtiment, ni inscription.
Mais les Khazars sont passés à la postérité par un événement extraordinaire : le renoncement collectif à leur antique religion et leur conversion à une des trois grandes religions du Livre. La légende rapporte que le roi des Khazars aurait mis les trois croyances en compétition dans une audience ouverte à leurs représentants respectifs : un rabbin, un moine et un derviche. Mais la légende ne dit pas qui l’a emporté. Ce qui est certain, c’est que le peuple khazar a disparu de l’Histoire peu après sa conversion.
Ce mystère hante les archéologues et les numismates qui prospectent la région de l’embouchure de la Volga. La chasse aux Khazars remplit les rêves des historiens de la période.
Milorad Pavić, l’auteur génial du Dictionnaire khazar, pense qu’un rêve du roi des Khazars est d’ailleurs à l’origine de cette tragédie.
Un rêve dans lequel un ange lui serait apparu pour lui dire :
Tes intentions plaisent au Seigneur mais pas tes actes !
Les Khazars ne seraient-ils pas un peu nos frères ?
Le Dictionnaire khazar m’est venu entre les mains tout à fait par hasard. Un ami écrivain macédonien m’en a parlé lors de son passage à Paris, un mois plus tard je l’ai acheté pendant mon séjour à Skopje, et, après avoir contacté l’auteur et obtenu son autorisation de le présenter aux éditeurs français, je me suis mise au travail. La tâche s’annonçait difficile, exigeant un énorme travail de recherches. J’ai préparé un dossier de présentation accompagné de quelques extraits traduits en français, et je me suis lancée. Je savais que je tenais un livre exceptionnel mais très complexe, et je me suis demandé si j’allais être capable de le défendre de façon efficace. La réponse de plusieurs grands éditeurs a été négative. Grasset était tenté et Yves Berger, son directeur littéraire, a hésité longtemps avant de me dire que, finalement, il ne pouvait pas se permettre de prendre le risque. En revanche Pierre Belfond s’est jeté dans l’aventure et il ne l’a pas regretté. Le Dictionnaire khazar a été un succès. Bernard Pivot, dans son émission à la télévision, l’a présenté comme le livre le plus intelligent qu’il ait jamais lu, la presse s’est déchaînée et Le Dictionnaire khazar est resté pendant plusieurs semaines en tête des listes des best-sellers. Et comme Pierre Belfond est allé au bout de sa petite folie en achetant les droits mondiaux, il a été bien récompensé puisque le livre a connu un véritable succès au Salon du livre de Francfort.
Le Dictionnaire khazar est aujourd’hui traduit dans le monde entier et son aventure se poursuit de plus belle, notamment en Chine et en Indonésie. Il y a quelques années, au Salon du livre à Moscou, une banderole affirmait que ce livre était « le plus vendu après celui du dictionnaire anglo-russe ».
La traduction du Dictionnaire khazar a été longue et exigeante. Mais jubilatoire. J’ai dû répondre à une imagination débridée et une énergie créatrice débordante, dont l’objectif était le renouvellement de l’art de la narration et le changement radical du mode traditionnel de lecture. « Milorad Pavić a perçu très tôt l’importance des nouvelles technologies apparues à l’ère d’internet dans lesquelles il voyait une chance insoupçonnée pour l’essor d’un nouveau type d’écriture et de lecture – fondé sur les « jeux » interactifs et intertextuels – qui change radicalement le rôle tant de l’écrivain que du lecteur. » (Milivoje Srebro). Traduire l’œuvre d’un érudit tel que Pavić – héritier et fin connaisseur de l’antiquité grecque et de la tradition littéraire et spirituelle byzantine ainsi que celle du baroque et du classicisme serbe, qui mêle habilement la poésie et le fantastique, la légende et l’histoire, la métaphore surréaliste et l’allégorie biblique, le savoir ésotérique et le rêve, l’humour joyeux et le rire sardonique… sans jamais trahir cette simple vérité : la tâche principale d’un écrivain consiste d’abord à raconter des histoires – n’est pas une chose facile, mais la joie de faire connaître ce joyau littéraire et de partager mon enthousiasme avec des milliers de lecteurs français a été pour moi une si belle récompense ! Avant celle que Milorad Pavić m’a réservée un an avant sa mort en me confiant l’exclusivité pour la traduction de ses ouvrages inédits en français.
Depuis sa première publication en France, en 1989, Le Dictionnaire khazar a connu plusieurs éditions dont une en poche. Je suis heureuse de le confier aujourd’hui à un jeune éditeur, Benoît Virot (Le Nouvel Attila) qui, avec son fol enthousiasme, saura, j’en suis persuadée, faire découvrir à une nouvelle génération de lecteurs cet objet mystérieux venu des Balkans.

Maria Béjanovska
Ancienne journaliste à RFI, elle a traduit entre autres Bozin Pavlovski, Zivko Cingo, Venko Andonovski. Le Dictionnaire khazar paraît au Nouvel Attila le 15 octobre.

Maria Béjanovska
Le Matricule des Anges n°167 , octobre 2015.
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