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Histoire littéraire

novembre 2012 | Le Matricule des Anges n°138 | par Éric Dussert

Il a fallu attendre 2010 pour lire la version complète de L’Autobiographie de Mark Twain  ; une clause de son testament interdisait toute divulgation intégrale avant cette date. Ce sont donc des versions fragmentaires qui ont vu le jour jusqu’à présent, et notamment l’Autobiographie parue aux Éditions du Rocher en 2003. Homme d’esprit, Mark Twain était aussi un sage, il avait préparé soigneusement la publication de cet écrit colossal dont le seul premier volume (sur trois) comporte plus de huit cents pages. Si l’on considère que la plupart de ses grands romans sont morceaux d’autobiographie fictionnés, il y a tout lieu de croire que cela fut pour Twain la grande affaire.
Entamée dès les années 1870, l’opération trouva tardivement son rythme de croisière, et notamment par le biais de la dictée et de la tierce dactylographie qui libérait l’auteur et lui permettait de se concentrer sur la vérité du genre autobiographique et celle, naturellement subjective, de son propos. Au nombre des fragments éclairants, la « Préface comme d’outre-tombe » où il écrit, ressassant sereinement son vieux projet : « je garderai présent à l’esprit le fait que je parle d’outre-tombe. Je parle littéralement d’outre-tombe parce que je serai mort quand ce livre sortira des presses./ Si je parle d’outre-tombe plutôt qu’avec ma langue vivante, c’est pour une bonne raison : je peux par conséquent parler librement. »
Composé par morceaux de mémoire dictés dans des temps fort différents, l’ensemble enrichi de « Manuscrits et dictées préliminaires (1870-1905) » est pour le moins curieux. Dans la masse, la discussion avec Robert-Louis Stevenson fait naturellement office de grand moment, comme le récit des débuts littéraires de Twain, ou de la noyade dans Bear Creek de « Mr. Clemens » (Mark Twain est le pseudonyme de Samuel Langhorne Clemens, 1835-1910), sauvé par « l’esclave de Mr Kercheval » et tant d’autres anecdotes, « Bribes de voyages » et portraits, celui du général Grant par exemple, où perce l’esprit de l’Américain enjoué. Il n’en reste pas moins que l’ensemble est destiné aux fans de Twain qui auront l’appétit d’absorber un ensemble aussi échevelé, déconstruit et roboratif, et sauront attendre patiemment les deux derniers volumes.

E. D.

L’Autobiographie de Mark Twain :
une histoire américaine

Traduit par Bernard Hoepffner
Tristram, 823 pages, 29,50

Le Matricule des Anges n°138 , novembre 2012.