Les éditions de la Découverte regroupent divers récits courts publiés entre 1922 et 1925 par le jeune Dashiell Hammett (il a alors moins de 30 ans). « Je levai les mains. L’une d’elles effleura l’ampoule pendue au bout de son fil. J’écrasai mes phalanges contre le verre. La cave s’obscurcit et je me jetai en arrière, sur le côté. Le pistolet de Zumwalt lâcha une langue de flamme » : ce genre de relation factuelle n’a l’air de rien, on ne s’y arrête surtout pas durant la lecture, mais c’est sans doute quelque chose qui réclame une technique assez sûre. La nouvelle parut dans Black Mask, publication bon marché qui rétribuait ses auteurs « a penny a word » ; l’intrigue se situe dans une grande ville américaine, son héros travaille dans une agence de détective, il finira par arrêter son propre client : autant d’éléments qui structureront bientôt l’univers de Hammett, et par-delà tout un genre le roman noir
qui en est issu.
On trouvera bien sûr ici diverses fictions policières, histoires d’arnaque et de cambrioleurs brossées sous un jour plus ludique et psychologique que dans les grandes œuvres à venir : paradoxalement, c’est dans ses romans que l’écrivain se fit le plus sec. Surtout, on s’arrêtera sur certains récits plus inattendus, qui explorent avec force et subtilité les arcanes de la relation conjugale. Des histoires qui mettent souvent en jeu de fausses virilités et de vrais mensonges, comme dans « À la morgue » à peine quatre pages qui donnent leur titre au recueil, mais qui valent à elles seules son achat : une merveille de noirceur pour accompagner un écrivain fraîchement veuf vers la perte de ses illusions.
À la morgue et autres histoires noires
de Dashiell Hammett - Traduction collective,
La Découverte (« Culte fictions »), 192 p., 10,50 €
Poches Naissance du polar
mars 2005 | Le Matricule des Anges n°61
| par
Gilles Magniont
Un livre
Naissance du polar
Par
Gilles Magniont
Le Matricule des Anges n°61
, mars 2005.