Un livre

La Maison des épreuves

de Jason Hrivnak

Editions Ogre

Cette réédition en format poche d’un premier roman est pire qu’un objet bizarre. Pourtant, La Maison des épreuves commence à peu près normalement. C’est en prose, il y a un récit – certes gore. Un homme raconte comment son amie Fiona, bien déglingue, est entrée par effraction dans l’école que tous les deux ont fréquentée, enfants, vingt ans plus tôt. Et comment elle s’y est suicidée. Révéler ceci n’est pas spoiler : c’est à peine plus que la première page. Vous voilà happé. L’auteur, Jason Hrivnak, vit à Toronto, on préférerait ne pas le rencontrer le soir au coin d’une rue. Le lire n’est pas tellement plus rassurant. 
Après cette entrée en matière tonitruante, l’ami d’enfance de Fiona se remémore leurs jeux d’imagination, leur « terrain d’essai », sorte d’aire de récréations sadiennes. Les deux écoliers consignaient dans un cahier des listes d’épreuves violentes à faire subir à leurs proches. Ces quelque 25 pages ne sont que la mise en bouche. Suivent trois sections, de plus en plus longues, composées de micro-récits hallucinés, débouchant sur des questionnaires à choix multiples (quel présent pour échapper à telle situation terrifiante ? Un litre de sang/un faucon mort/votre cœur/750 mg de cheveux). On dirait la version noir foncé des « livres dont vous êtes le héros » qu’on offrait aux enfants dans les années 1990. Mais en version adulte sérieusement dérangé du citron. 
Les sections suivantes complexifient et aggravent tout ça. On se perd avec un effroi délectable dans l’imagination sans limite de Hrivnak, parmi ses multiples narrateurs. « Je me joins à un cirque ambulant. Je me spécialise dans l’auto-empalement avec des pics à glace, des aiguilles, des couteaux. (…) Je me lasse de cette vie de bohème. (…) Je reçois une invitation de la part d’un guérisseur. (…) Décrivez un acte qu’il pourrait accomplir et qui me rendrait ma faculté d’émerveillement.  » Il n’est pas indispensable d’en arriver à de telles pratiques circassiennes pour jouir de ces contes vénéneux.

Anne Kiesel

La Maison des épreuves
Jason Hrivnak
Traduit de l’anglais (Canada) par Claro
l’Ogre, 170 pages, 11 €