De la vie de l’essayiste et écrivain sicilien Nino Savarese (1882-1945), peu de choses ont filtré. Si bien que l’homme de lettres a longtemps fait partie des oubliés de la littérature transalpine, avant d’être redécouvert et popularisé à la fin des années 80. Dans ce conte philosophique au style ciselé, pour la première fois traduit en français, Savarese rend un bel hommage aux philosophes du XVIIIe siècle et aux grands utopistes. L’auteur a créé une œuvre intemporelle, marquée par un phrasé suranné et riche agrémenté d’une touche pastorale. L’histoire commence par le récit détaillé de la vie menée par le prince Daineo di Ballanza. L’aristocrate, passionné par les chats, partage leur compagnie au détriment de sa vie sociale. Tant et si bien qu’un matin, il affiche toutes les manières d’un félin. Pour tenter de guérir son affection, son père l’envoie en voyage, sous la bonne garde du professeur Gorgias et d’un majordome. En chemin, son précepteur, dont le nom rappelle un rhétoricien critiqué par Platon, se perd en vain discours. Daineo, déprimé par sa condition mi-homme, mi-animal, s’enfonce dans la solitude. En totale rupture avec les écrivains dits patriotes, comme D’Annunzio, Saverese a misé sur un propos plus contemplatif, moins lié à la bouillonnante politique italienne. Sa critique sociale, bien présente, en devient plus humaniste. Cherchant à séduire plus qu’à choquer, Savarese s’interroge sur la nature de l’homme, le grotesque des relations de classe. Autant de questions aux développements infinis qui conduiront son héros à l’impasse.
La Chatterie de Nino Savarese, traduit de l’italien par Monique BaccelliLa Fosse aux ours, 184 pages, 17 €
Domaine étranger La griffe du maître
mars 2005 | Le Matricule des Anges n°61
| par
Franck Mannoni
Un livre
La griffe du maître
Par
Franck Mannoni
Le Matricule des Anges n°61
, mars 2005.