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Domaine étranger L’agonie d’un archipel

juin 1996 | Le Matricule des Anges n°16 | par Didier Garcia

Neuf nouvelles pour dire les deuils des Philippines et décrier les abus du pouvoir. Première traduction d’un écrivain engagé, sans complaisance.

La comparaison paraîtra peut-être impertinente, mais il en est des préfaces comme des hors-d’œuvre : certains, trop copieux, rassasient, alors que d’autres, plus légers, ne font qu’affriander. La préface d’Amina Saïd, poète et traductrice de ce volume, n’impose aucune idée péremptoire, épargne les rapprochements aguicheurs avec les plus grands auteurs du siècle, pour s’en tenir strictement à l’essentiel : ce que le lecteur a besoin de savoir. C’est-à-dire : une rapide biographie de Francisco Sionil José -romancier, poète et essayiste philippin de langue anglaise né en 1924 ; des bribes d’interviews : « J’essaie de parler de la vie des gens que je connais le mieux : les pauvres, les paysans, les opprimés » ; et quelques mots sur Le Dieu volé qui propose un choix de neuf nouvelles provenant de recueils publiés entre 1983 et 1988.
Ce qui surprend de prime abord c’est la densité historique dans laquelle Francisco Sionil José inscrit ses textes, comme s’il s’agissait pour lui de rédiger une chronique fragmentaire de l’histoire des Philippines, du milieu du XIXe siècle à l’aube des années 1980. Les époques défilent comme dans un manuel scolaire : un basque audacieux fait fortune en domptant la forêt vierge mais périt de la main des révolutionnaires de 1899 (un an après l’annexion des Philippines par les États-Unis), une femme est enlevée par un groupe de résistants sous l’occupation nipponne (de 1943 à 1945), un ministre circule dans Manille au volant d’une 450 SE (une Mercedes) quatre ans après que le Président Marcos eut rétabli la loi martiale (1979)…
Une traversée de plus d’un siècle qui souligne au passage des contrastes particulièrement saisissants, à commencer par l’éternel conflit des générations qui oppose ici ceux qui refusent de quitter leur terre -au risque de mourir avec elle- à ceux qui tentent leur chance ailleurs (à Manille ou aux États-Unis), ceux qui perpétuent les traditions (avec la figure tutélaire de l’aïeul, très souvent guérisseur) à ceux qui savent qu’il faudra changer pour survivre. Un conflit qui fait aussi s’affronter l’atavisme de la province et la corruption de la capitale (un enseignant doit payer pour obtenir sa mutation, une honnête femme obtient son avancement après une heure passée dans un motel en compagnie d’un ministre), la pauvreté des campagnes et le luxe des ministères -comme le remarque une jeune provinciale, Manille c’est déjà un peu les États-Unis…
Si l’écriture de Francisco Sionil José paraît d’abord prédisposée à conter ou à enchanter, c’est comme pour mieux révéler ensuite le satiriste qui ne se prive jamais pour fustiger un régime ploutocratique qui s’assure une existence dorée au détriment de son peuple. Le nouvelliste attaque sur tous les fronts : la corruption bureaucratique (un simple formulaire s’achète !), le népotisme, l’impérialisme américain, et surtout ceux qui s’ingénient à renforcer les clivages entre la campagne et la ville. L’espoir pourrait bien être du côté du changement si le changement n’induisait pas l’oubli définitif des traditions et l’imitation systématique du modèle américain ; en d’autres termes, « il n’y a aucun espoir pour ce pays ni pour son peuple ». La sentence a quelque chose d’un peu rude sous la plume d’un écrivain qui séduit ailleurs par ses talents de conteur. On en serait presque déçu si la préface d’Amina Saïd avait omis de nous rapporter ces propos de Francisco Sionil José : « Écrire est un acte politique. » On savait à quoi s’en tenir.

Le Dieu volé
Francisco Sionil José
Traduit de l’anglais
par Amina Saïd
Critérion/Éditions Unesco
312 pages, 110 FF

L’agonie d’un archipel Par Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°16 , juin 1996.