Lire Quiroga, c’est ouvrir un triptyque dérangeant, funeste, où la mort, la folie et la raison se disputent le prix de la clairvoyance. Ce recueil composé de onze nouvelles par cet écrivain uruguayen décline avec une sérénité d’outre-tombe d’hallucinants cauchemars. Ambiance ténébreuse, désolation ; tout l’art de Horacio Quiroga est de fourvoyer le lecteur dans des chemins de traverse, de l’exposer à des récits communs mais tragiques aux confins du réalisme et du fantastique, de lui partager l’incroyable quête de ses personnages, puis de le rassurer par un baume bienfaiteur sur l’issue du drame. Simple illusion en fait : la gravité des épilogues décuple la tristesse de ses scénarii, creuse davantage l’abîme dans lequel chacun semble s’échapper. Dans L’Appel, il raconte les hallucinations auditives d’une femme qui lui prédisent la mort…effective de sa fille. Plus loin, un conducteur de train tente de surmonter ses accès de folie en précipitant sa locomotive vers la mort. Chez Quiroga, l’illusion de la vie l’emporte sur la certitude de la mort, cette mort qui hante, qui rôde, retient mais soulage. Sur ce point, l’oeuvre résume bien l’existence de ce romantique, reclus à la fin de sa vie dans la forêt amazonienne. Il met fin à ses jours en 1937, après le suicide de son beau-père, celui de sa première femme et l’accident mortel de son père.
Au-delà
Horacio Quiroga
Traduit de l’espagnol
par François Gaudry
A.M. Métailié
Domaine étranger Au crépuscule des morts
avril 1993 | Le Matricule des Anges n°4
| par
Philippe Savary
Un livre
Au crépuscule des morts
Par
Philippe Savary
Le Matricule des Anges n°4
, avril 1993.