La fin du monde ? Eugénie Valier héritière de l’empire du même nom la sait proche. La vieille dame ne cesse d’asséner à son entourage, à son fils, ses courtisans, ses partenaires en affaires, sa conviction que l’apocalypse est là. D’autres milliardaires sur la planète se font construire d’immenses bunkers pour faire partie des derniers survivants, rester jusqu’à la fin au sommet de la pyramide sociale.
Le roman débute par l’arrivée d’un hélicoptère à l’autre bout de la planète, en Nouvelle-Zélande ; c’est du grand cinéma, on imagine Di Caprio dans le rôle du richissime qui vient acheter ses terres lointaines pour y bâtir l’ultime refuge. Mais Mathieu Larnaudie n’est pas semeur de poudre de perlimpinpin : pas de tsunami, pas de feux de l’enfer jetés sur terre, pas de héros pour mettre sa progéniture à l’abri des cavaliers de l’Apocalypse. Au contraire, de savoir la fin imminente, d’en être les responsables, les grands capitaines d’industrie comme les magnats de la politique et des médias ne tirent aucune leçon. Ne changent rien à leurs activités. Sauf Eugénie Valier qui décide de déshériter son fils, de démanteler l’empire bâti par son père dont elle a hérité (en même temps que de son peu d’amour pour le genre humain). Empire qu’elle a fait grossir encore, s’acoquinant avec quelque oligarque russe, on devine avec quelle éthique. Autour de la vieille, c’est tout un monde que Larnaudie met en scène avec des phrases aux caudalies proustiennes. Des phrases qui nous entraînent, comme en un tourbillon, au cœur d’un univers pourtant étranger (sauf si vous êtes Elon Musk), en même temps qu’elles font naître tout un continent littéraire, exact contraire des trash vortex, ces continents de plastique qui cancérisent les océans. L’ampleur donne un souffle, déploie paysages (Venise comme jamais vue), strates historiques, niveaux de conscience et renvoie, joie de la justice, les baudruches d’aujourd’hui à leur rôle de pitoyables pantins.
Mathieu Larnaudie, Trash Vortex aborde la thématique de la fin du monde. Mais, loin d’avoir écrit un livre sur la catastrophe, vous envisagez plutôt ce que la quasi-certitude de la fin du monde modifie comme comportements dans les classes dirigeantes (économiques, politiques et médiatiques). Quel est le projet initial de Trash Vortex ?
On sait que, sous l’effet de la crise climatique, la possibilité concrète d’une disparition de l’humanité est devenue une hypothèse sérieusement envisageable. Les rapports les plus alarmants la prédisent même à court terme. Nous sommes tous, à nos heures, traversés par les angoisses qui en découlent, et l’apocalypse est l’un des principaux dénominateurs communs de nos imaginaires contemporains. Paradoxalement, cette perspective s’inscrit dans une longue tradition de représentations variées de la fin du monde. Le sentiment du déclin, de l’imminence de l’extinction, accompagne toutes les civilisations. Or, la pensée apocalyptique a toujours un double aspect. D’une...
Entretiens Orfèvrerie monumentale
septembre 2024 | Le Matricule des Anges n°256
| par
Thierry Guichard
Sous couvert d’apocalypse, Mathieu Larnaudie met en scène la tragicomédie de la classe dirigeante face à sa fin annoncée. Et offre un roman de grande ampleur.
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