Un livre

Rocky, dernier rivage

de Thomas Gunzig

Editions Au diable Vauvert

Ce roman est un parfait cadeau pour solastagique masochiste. Il se déroule après la grande catastrophe, laquelle n’est pas détaillée mais largement évoquée. Le monde s’est écroulé, à la fois en crise climatique, sociale, économique, écologique, culturelle. Il y a bien eu, quelques années plus tôt, des « signes inquiétants : pandémies, soubresauts économiques, guerres, anomalies météorologiques. »
Heureusement, Fred, père de famille très à l’aise financièrement, a tout prévu : il a fui, juste à temps, avec femme et enfants dans une île de l’Atlantique Nord, très loin du continent, à l’abri des turbulences, avec toutes les réserves nécessaires. Et un couple de serviteurs tellement serviables… Les enfants, un garçon et une fille adolescents sont peu ravis de se trouver coupés de toute vie sociale. Que le monde en feu s’écroule tout autour d’eux ne les console pas de leur isolement.
Sur cette base féroce, Thomas Gunzig, auteur farfadet belge d’une douzaine de titres, s’en donne à cœur joie d’imaginer le pire, avec quand même de la tendresse, et beaucoup d’humour. C’est un mélange détonnant de dystopie et de rire grinçant. Les chapitres successifs adoptent le point de vue de chacun des personnages, chacun avec sa névrose, sa folie engendrée ou aggravée par la situation.
C’est très habile et ça se lit avec un plaisir coupable : où l’auteur va-t-il en arriver ? Il y a des considérations intéressantes sur l’évolution des rapports sociaux entre la classe dominante (qui se résume aux quatre personnes de la famille riche) et les dominés (deux fois moins nombreux). Quand il n’y a plus ni banques, ni salaires ni argent, que deviennent les relations de pouvoir ? De même sur la culture en conserve : comment les innombrables films, séries, musiques, téléchargés avant le départ, vertigineusement nombreux, satisfont-ils les envies de divertissement ? Et quel rôle particulier joue ce film, Rocky ? Les ados sont touchants et on peut révéler que la fin est formidable.

Anne Kiesel

Rocky, dernier rivage
Thomas Gunzig
Au diable vauvert, 368 pages, 20 €