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Domaine français Le roman-fleuve de Sophie G. Lucas

septembre 2023 | Le Matricule des Anges n°246 | par Anthony Dufraisse

Avec ce premier roman sensible et puissant, l’écrivaine signe une fresque familiale sur deux siècles.

C’est un très ambitieux premier roman que celui de Sophie G. Lucas qui a déjà signé, chez ce même éditeur engagé, différents livres dans une veine poétique et/ou socio-documentaire (dont témoigne d’ailleurs la parution simultanée de On est les gens). Qu’est-ce qui fait qu’une vie est une vie, qu’elle prend telle direction plutôt qu’une autre ? C’est, au fond, la question que pose cette autrice née en 1968 à Saint-Nazaire à travers une fresque familiale qui s’étire du XIXe jusqu’à nos jours. Deux siècles pour tirer les fils d’une généalogie, parfois emmêlés comme une pelote de nerfs, entre Amérique et pays franc-comtois, du Mississippi à Conakry. Très incarné et porté par une écriture inspirée, presque incantatoire par moments, ce roman fait alterner les points de vue de nombreux personnages comme autant de ramifications narratives. À l’image de l’arbre de vie sur la couverture du livre qui symbolise le développement rhizomique des existences. L’autrice dit admirablement bien le poids des racines, les origines intériorisées, le sens qu’il y a dans le sang, pourrait-on dire, les secrètes palpitations des petites gens, les ambitions intimes avortées, les inventions de soi, impensées souvent, et aussi, toujours, basse sourde, les avancées sociales dans le temps. Dans le fracas du temps, parfois : sur les barricades de la Commune, dans les tranchées de la Grande Guerre, sur fond de catastrophes naturelles… « Avancer. Un nouveau mot pour ceux de la terre, ceux aux mains noires épaisses comme du cuir, avancer, on apprenait à ne plus rester homme penché, homme à genoux dans les vignes, la Révolution avait infusé, on commençait à vouloir autre chose pour soi et ses enfants, ça se soulevait parfois dans le corps des hommes et des femmes, on était au-delà des espérances, on poussait un peu plus loin les mots, de la gorge à la langue, on avait le dos un peu moins rond, ça charriait toutes sortes de choses (comme un fleuve) dans la bouche, dans le regard, dans les gestes, les enfants d’alors, sans le savoir se sculptaient avec ça. » En témoigne cette longue citation, la langue de Lucas est ample, elle vous happe, vous emporte, invite à se couler dans le cours des choses, ce qu’on appelle le monde. Envoûtement ? On peut le dire. Citons encore : « Quelque chose comme un élan de vie, la vie, la vie, la vie, et ça courait comme un fleuve, ça dansait avec les lumières à sa surface. »
En lisant, on peut évidemment penser aux Vies minuscules de Pierre Michon mais aussi, dans un tout autre genre, à l’Américaine Erin Swan dont nous avons ici même récemment salué le premier roman Parcourir la terre disparue. Les deux livres sont certes très différents, mais on leur trouve ce même foisonnement de personnages reliés entre eux par-delà les générations, les drames intimes qui innervent la trame de tout un lignage ou encore les déflagrations de la grande histoire ou de la nature (Lucas comme Swan évoquent par exemple l’ouragan Katrina). Voilà assurément un roman dont le souffle romanesque secoue.

Anthony Dufraisse

Mississippi. La geste des ordinaires
Sophie G. Lucas
La Contre Allée, 192 pages, 18

Le roman-fleuve de Sophie G. Lucas Par Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°246 , septembre 2023.
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