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Domaine français Tremblements de père

avril 2023 | Le Matricule des Anges n°242 | par Anthony Dufraisse

Le premier roman d’Isabelle Blochet raconte le quotidien sous tension d’une famille dans les années 70.

Est-il autobiographique, ce beau premier roman signé Isabelle Blochet ? C’est bien possible, oui, si on recoupe les quelques éléments personnels à notre disposition concernant cette bibliothécaire née en 1969 dans l’Oise, avec le récit des tensions qui minent, durant les années 70, la vie d’une famille de la classe moyenne installée en grande banlieue parisienne. À l’origine du mal-être familial, il y a un mâle qui se veut dominant, le père. C’est lui, toujours, qui est cause des séismes qui agitent chaque jour ou presque ce foyer au sein duquel les réactions de défense ne sont, pour rester dans le lexique volcanique, que répliques. Cet homme-là, filons encore la métaphore, est un vrai tremblement de père. En minorité au milieu de ses trois filles et de son épouse, Jany, c’est le prénom du pater, entend régner mais il n’en a pas les moyens. Professionnellement instable jusqu’à se retrouver asocial, il devient révolutionnaire de canapé, maître es-récriminations domestiques continuelles. Pas de brutalité physique ici, mais tout est prétexte à harcèlement psychologique : le rinçage de la vaisselle, le choix d’une émission à la radio, les dépenses du ménage, le piano. Féru jusqu’à l’obsession de musique classique, admirateur des grands hommes éloquents, passionné de nautisme et abritant un rêve avorté de vivre au bord de la mer, cet autodidacte veut imposer ses goûts, ses idées, sa façon de voir la vie, ses lubies. Susceptible et suspicieux, il grogne et gronde de manquer d’emprise sur les siens, et c’est la benjamine, Hélène, qui raconte l’ambiance délétère à force de « tensions quotidiennes ». « Il existe deux mondes. Le monde actuel, vivant, joyeux. Et le monde de mon père. Il m’y enferme, prisonnière, sans porte de sortie. Mais un jour je serai grande, je serai libre, et je déciderai moi-même de tout ce qui m’intéressera. »
On entend d’ici les soupirs : oh c’est encore un bouquin lacrymal et bilieux de règlement de comptes ! Détrompez-vous ; si c’est bien un album de famille, on ne saurait dire le contraire, c’est surtout un album au sens sonore du terme. Isabelle Blochet passe la bande-son d’une époque, entre les ritournelles de Mike Brandt et Johnny, le crincrin de France Inter, le roulis de la DS ou le ronron d’une 4L. Ce roman s’écoute comme un vinyle, avec d’un sillon l’autre, des crissements, des grésillements. Tout le mérite de cette primo-romancière est de ne jamais verser dans le pathos. En choisissant la petite dernière comme narratrice, peut-être sa projection romanesque, elle se place d’emblée dans le recul. Sans être jamais enfantine, l’écriture n’intellectualise pas non plus ; elle donne à sentir. Tout ici est affaire de vibrations, d’ondes. Si le portrait du père, figure complexe d’autorité et de médiocrité, apparaît en bonne place dans cette galerie sépia, celui de la mère, Suzanne, employée dans un magasin de meubles, a aussi du relief. Les portraits des sœurs, Véra et Fanny, sont moins fouillés.
La petite musique qu’Isabelle Blochet nous joue, c’est donc celle, grinçante, de la résignation et du renoncement social. « La maison est close sur nos secrets », dit Hélène qui surjoue la normalité hors de chez elle. Avec une simplicité d’expression voulue et un présent de narration bienvenu, la dernière-née observe, restitue, resitue. L’ordinaire des jours, entre travail, chômage, scolarité et vacances, se déroule dans l’attente d’un drame qui ne manquera pas de survenir ; la succession des scènes, dans l’œil de la jeune narratrice, donne lieu à une collection de signes particuliers mais aussi de signaux de détresse. Voilà un saisissant roman d’atmosphère qui, tenant en haleine le lecteur, tient toutes ses promesses.

Anthony Dufraisse

Descendre vers la mer
Isabelle Blochet
Bourgois, 187 pages, 18

Tremblements de père Par Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°242 , avril 2023.
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