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Domaine français S’envoler autrement

avril 2023 | Le Matricule des Anges n°242 | par Julie Coutu

Un roman tout en poésie, comme un moment suspendu, du québécois Jean-François Beauchemin.

C’est à une promenade que nous convie Jean-François Beauchemin dans Le Roitelet. Autre nom d’oiseau après son envoûtant Le Jour des corneilles (Les Allusifs, 2004). Pas d’intrigue, pas de mystère, presque pas de récit à proprement parler, mais bel et bien une promenade, modeste, un long et lent cheminement, tout en simplicité, en quotidienneté. On pourrait appeler ça poésie, pensées, réflexions, humeurs. Peu importe. Elles sont ce qui accompagne au mieux ces quelques pas, pour faire le tour de la maison, passer chez des voisins, parfois s’égarer, juste un peu plus loin. Rien de compliqué, mais un espace pour penser, songer, réfléchir, avant peut-être d’écrire ? Puisque celui qui raconte, aux côtés de son épouse, Livia, de son chien, de son chat, est écrivain.
Un écrivain, en pleine discussion avec lui-même. Contemplatif, pensif, mais intérieurement bavard. Prêt à engager la discussion avec les vivants comme les disparus, les hommes comme les bêtes. Au monde peuplé de fantômes bienveillants, de souvenirs, de menues et grandes joies, d’inquiétudes fugaces. À ceux qui voient en lui un attentif scrutateur de l’âme humaine, il répond : « Ce que j’aime, ce sont les gestes, les regards, les sourires et les larmes, les cheveux qui poussent, les pas, les paroles, autrement dit la vie du corps. »
C’est cette vie, précisément, qui fait toute la délicatesse de ces instantanés, ces temps suspendus, décrochés du monde. Une délicatesse d’autant plus émouvante qu’elle repose tout entière, il faut bien lâcher le mot, sur un amour qui semble quasiment inépuisable, ou infini, pourquoi pas, éternel ? Un amour en tout cas, au cœur de chaque instant, une forme de bonté, sans désuétude, désarmante. Un regard, sans a priori, sans jugement. Peut-être à cause de ce frère, peut-être grâce à ce frère, toujours si proche, diagnostiqué schizophrène, dans son adolescence. Un frère qui l’accompagne, autant qu’il l’accompagne. Ses pensées empreintes d’une sagesse comme un pas de côté, complémentaires des siennes. Mais qui nécessitent une présence, un soutien, pour les moments de crise, les moments de souffrances, les abîmes de solitude qui entourent la maladie, et dont rien n’est effacé, mais que la poésie du texte, et son humanité tranquille, permettent de contenir.
Au fil des mots, et tandis que se redéploient les enfances des deux frères, leurs mémoires, que s’amorcent des riens de chaque jour, des aventures du coin de la rue – ou du jardin d’en face –, la pudeur, la retenue de l’auteur parfois vacillent. Il est en proie au doute, parfois. Souvent, si on l’on croit. « J’ai cru m’approcher en vieillissant d’une espèce d’état d’accalmie qui me ferait considérer ma vie avec sérénité et satisfaction. Mais, vu de près, c’est complètement différent. Il n’y a pas dans cette vie une seule idée dont je sois convaincu qu’elle demeurera, et je ne suis pas certain en général d’avoir été sur la bonne piste. Tout me reste à apprendre. »
Alors, il reste la contemplation. La contemplation et la douceur, dans un rapport au temps réinventé, un rapport au temps qui accepterait, rareté, de prendre son temps. Le temps d’écouter, de partager, de s’asseoir, de s’émerveiller, de parler, de lire de la poésie. De laisser glisser les heures. D’offrir une place à la beauté. De ré-émerveiller le monde. De dire la vie, en ce qu’elle aurait d’évident. Et le mot de la fin, au petit frère, premier lecteur, à sa sensibilité : « La vie passe, m’a dit ce matin mon frère une fois achevée la lecture de mon manuscrit. La vie passe, banale, insignifiante, et pèse pourtant à ce point sur la pensée, le caractère et l’âme qu’elle finit par leur donner une raison d’être. Oui, presque rien n’arrive dans cette histoire, mais tout y a un sens. » Peut-être peut-on voir dans tout ça, quelque chose de l’ordre de la grâce.

Julie Coutu

Le Roitelet
Jean-François Beauchemin
Québec Amérique, 144 pages, 16

S’envoler autrement Par Julie Coutu
Le Matricule des Anges n°242 , avril 2023.
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