Romancier, nouvelliste, poète, dramaturge, essayiste, couronné par le Goncourt de la nouvelle en 1989 pour Les Athlètes dans leur tête et par le Renaudot des lycéens en 1999 pour Foraine, Paul Fournel, né en 1947, est aussi membre de l’Oulipo, dont il a été le président de 2003 à 2019. C’est d’ailleurs par le biais des réunions de l’Oulipo que, du vivant de Georges Perec, vers la fin des années 1970, il a été amené à fréquenter le Moulin d’Andé, où elles se déroulaient, et à rencontrer celui qui en était alors l’âme : Maurice Pons. Son nouveau roman, Le Livre de Gabert, paraît aux éditions P.O.L.
Paul Fournel, comment expliquez-vous qu’il n’y ait encore ni biographie de Maurice Pons ni étude portant sur l’ensemble de son œuvre ?
Cela reste un mystère pour moi aussi. Les études universitaires de littérature ont beaucoup changé et les thèses sur un auteur sont plus rares qu’autrefois. Je pense donc que ceci est une partie de l’explication. L’autre est sans doute que les ventes des livres de Maurice Pons ne sont pas assez abondantes pour qu’un éditeur commande une biographie à un critique. Le risque commercial serait trop grand. Il reste à faire confiance à un éventuel coup de cœur, un de ces coups de passion dont certains éditeurs sont capables. Si cela doit avoir lieu ce sera dans quelque temps à l’occasion d’une « redécouverte » de l’œuvre de Maurice Pons par une nouvelle génération de lecteurs.
On peut aussi songer au fait que pour beaucoup, Maurice Pons est d’abord et avant tout l’auteur des Saisons. La célébrité de ce livre porte peut-être une ombre sur le reste de sa production qu’on a du mal à percevoir comme un ensemble.
Un succès d’ailleurs étonnant pour ce livre d’une noirceur sans égale dans l’œuvre, et qui fait penser à Beckett, écrivain auquel on ne songerait pas à le comparer. À quoi ce roman doit-il d’être devenu un livre culte ?
Ce roman est devenu un livre culte précisément par sa noirceur extrême qui est sa différence et sa singularité. Il n’a guère d’équivalent dans le paysage littéraire français du dernier siècle. Beckett, que vous évoquez, était plus dramaturge que romancier et sa noirceur était plus épurée, plus théorique. Le roman de Maurice Pons est un vrai roman noir foncé et humide. Le genre n’est pas couru.
Revenons-en au manque d’intérêt relatif que suscite son œuvre. Le fait qu’il n’ait jamais fait délibérément deux fois le même livre, ce qui le rend difficile à étiqueter, n’a-t-il pas joué contre lui ?
Je ne pense pas. L’œuvre est diverse, inattendue, porteuse de messages et de formes variées, mais elle est cohérente par son style et par ses contenus profonds. Et puis cette diversité même pourrait constituer un passionnant sujet d’étude.
Sur quoi repose cette cohérence selon vous ?
Elle repose sur l’homme et son talent. Ses qualités littéraires sont toujours à leur meilleur dans l’ensemble de son travail. Tous ses livres se...
Dossier
Maurice Pons
« Un monde secret et inattendu »
avril 2023 | Le Matricule des Anges n°242
| par
Didier Garcia
Maurice Pons a laissé une œuvre qui résiste à la synthèse. Tentative d’exploration en compagnie de Paul Fournel.