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Essais Une fin du monde bien ratée

février 2023 | Le Matricule des Anges n°240 | par Éric Dussert

Dans une délicieuse enquête entre éther et sous-sol, deux journalistes reviennent sur la folle invasion d’un petit village de l’Aude réputé pour son vaisseau extraterrestre.

La Montagne inversée

Une expédition dans les méandres du fantasme
Editions Marchialy

Comme l’annonçaient les doctes Mayas, la fin du monde était prévue le 21 décembre 2012. C’est du moins ce qui était pro-grammé mais tout est allé de travers : l’Apocalypse n’a pas eu lieu. Pas d’apocalypse donc, mais une série de révélations et de dingueries collectives : la petite commune audoise de Bugarach fut prise d’assaut par une foule de citoyens qui croyaient ce que racontait la prophétie : la fin du monde serait sélective ou ne serait pas ! Ceux qui auraient la malice de rejoindre le pic de Bugarach et quelques endroits montagneux d’Amérique latine seraient saufs. Une apocalypse à la carte donc. La cohue fut formidable, on se pressa à Bugarach. On raconte même qu’un christ cosmique aurait fait le déplacement…
Dix ans plus tard, deux journalistes indépendants, Romain Lescurieux et Antonin Vabre sont revenus sur la scène de leur première escapade pour tenter de comprendre cet engouement, ou plutôt cette folie collective. Au terme de deux ans d’enquêtes et après avoir mené quatre-vingt-dix entretiens, ils livrent leur récit des quelques journées qui ont tourneboulé la vie de la petite commune occitane (240 habitants) devenue à l’instar de la gare de Perpignan (d’après Dalí) le centre du monde. Car au-delà de la foule bigarrée qui avait envahi le village, il y avait le pic – qui n’était pas de Dante et promettait contrairement au volcan le salut. Comme Edgar Morin et sa Rumeur d’Orléans (Le Seuil, 1969), ils ont chaussé leurs godillots de marche, franchi les limites de la vie moderne pour s’enfoncer dans le pic lui-même au cours d’une audacieuse virée spéléologique et dans les esprits de leurs contemporains pour comprendre la viralité d’une révélation : le pic qui cache bien son mystère allait sauver ceux qui s’y trouveraient le jour de la Fin…
Au même titre que l’utopie est l’invocation d’un monde inversé (l’une de ses représentations est une ville sur le dos d’un poisson), le pic de Bugarach est nommé « la montagne inversée ». Et c’est ce mont sous terre que les deux reporters en fantasmatique appliquée ont eu la chance de découvrir grâce à Henri, leur informateur local qui les emmène dans ses entrailles. Là, la rumeur plaçait une base extraterrestre (et pourquoi non ?), le tombeau du christ, un vortex ou, c’est bien le moins depuis le premier épisode d’Indiana Jones (1981), l’Arche d’alliance. Mais à défaut de trésor archéologique ou de vérité mystique, c’est aux plaisirs et frissons de la spéléologie que les deux enquêteurs nous entraînent, tout en relisant l’histoire de ce coin de l’Aude et de ses habitants, retrouvant jusqu’au Mexique des descendants des exilés qui allaient y tenter leur bonne fortune au XIXe siècle, et observant sur place, carrefour climato-socio-ésotérique comme on en a peu, la population bigarrée de babas cool, ufologues, chamanistes de diverses pilosités, adeptes de médecines alternatives aux petits oignons et sectateurs du New Age plus ou moins techno. Il faut de tout pour faire un monde : la société de Bugarach s’est révélée un condensé formidable de nos fantasmes, de nos obsessions les plus carabinées. Et il n’est pas dit que le soleil tapant sur les crânes y soit pour grand-chose, non plus que le fameux vin d’Aude… Restent la population locale qui en a vu d’autres (dans les années 1970 notamment où le phénomène avait déjà eu lieu) et les néoruraux qui tentent d’échapper à l’incarcération de la ville.
À Bugarach, zone franche de l’esprit, la science-fiction croise la fascination pour la mort collective et l’aspiration à « autre chose ». N’allons pas faire les malins : peut-être bien qu’un jour prochain le fameux vaisseau extraterrestre émergera du ventre du mont inversé pour emporter les Élus. Elon Musk aurait-il déjà son billet ?

Éric Dussert

La Montagne inversée.
Une expédition dans les méandres du fantasme

Antonin Vabre et Romain Lescurieux
Marchialy, 351 pages, 22

Une fin du monde bien ratée Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°240 , février 2023.
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