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Histoire littéraire Un grand amour libre

janvier 2023 | Le Matricule des Anges n°239 | par Éric Dussert

Maîtresse de Victor Hugo, elle a fait jaser. Florence Naugrette redore son blason : Juliette Drouet était l’une de nos plus grandes épistolières.

Juliette Drouet - Compagne du siècle

Spécialiste du romantisme, l’universitaire Florence Naugrette nous offre une magnifique biographie, ambitieuse et d’une lisibilité plus que parfaite, consacrée à l’un des personnages féminins les plus emblématiques du XIXe siècle : la belle Juliette Drouet (1806-1883), au destin si caractéristique de son temps : orpheline, élevée religieusement, comédienne et prostituée… Si elle n’a pas à proprement parler d’œuvre de fiction, elle a laissé des souvenirs éloquents des années 1843-1854 ((Des Femmes-Antoinette Fouque, 2006), où Hugo a pioché et laisse avec lui une foisonnante correspondance de 14 000 lettres dont l’édition en ligne (juliettedrouet.org) a d’ailleurs été orchestrée par Florence Naugrette depuis 2012. Au-delà de la littérature, on y rencontre l’histoire d’un amour libre étonnant, et une personnalité particulièrement attachante.

Qui était Juliette Drouet ?
Une pauvre orpheline bretonne, montée à la capitale, élevée au couvent, tombée dans la prostitution, devenue actrice et courtisane, icône de la mode, une des plus belles femmes de Paris. Hugo, marié et père de famille, la prend pour maîtresse puis exige qu’elle renonce à son métier d’actrice pour se consacrer à lui. Elle supporte ses infidélités, écrit un journal épistolaire pour tromper son ennui, le soutient dans ses combats, veille sur lui. Elle est son âme-sœur, sa boussole. Elle le sauve de la police napoléonienne après le coup d’État de 1851 et le suit en exil, à Bruxelles, Jersey puis Guernesey. Cinq ans après la mort de Mme Hugo, ils habitent enfin ensemble : le Tout-Paris littéraire, artistique et politique vient dîner chez eux. Les témoignages concordent : elle était belle, digne, douce, intelligente, spirituelle, et inspira à Hugo non pas son unique, mais son plus grand amour.
Que représente-t-elle aujourd’hui dans notre champ culturel ?
Tout autre chose que ce qu’on a longtemps raconté sur elle. Deux légendes complémentaires, moralisatrice pour l’une, misérabiliste pour l’autre, la faisaient passer jadis soit pour une femme vénale, qui aurait empoisonné la vie de Hugo, soit pour une victime sacrificielle ayant fait preuve d’une oblation aujourd’hui impensable. J’ai fui ces deux légendes en revenant aux sources, son journal épistolaire 1 ainsi que les carnets et agendas de Hugo et les lettres qu’il lui écrit. Ces archives montrent au contraire comment ces deux-là ont inventé l’amour libre dans un cadre hostile. Si elle nous intéresse aujourd’hui, c’est d’abord pour son action dans l’ombre du grand homme, son intimité croissante avec le génie : elle est sa première lectrice, sa première copiste ; elle inspire des phrases à ses personnages ; elle consigne ses souvenirs de pensionnaire pour qu’il truffe de détails authentiques l’épisode du couvent dans Les Misérables, comme il récupérera son récit du coup d’État pour Histoire d’un crime ; elle sauve et garde ses manuscrits ; il installe chez elle son atelier de peinture ; elle dit son opinion sur la société et la politique, et il l’écoute. Ses lettres dont nous sommes les destinataires indirects sont une mine documentaire sur la vie quotidienne au XIXe siècle.
Juliette Drouet était-elle un écrivain ?
Oui et non. Oui, parce qu’elle développe un talent remarquable dans ses lettres quotidiennes, qui disent sa passion, sa jalousie, sa révolte ou son renoncement, sa vision du monde, avec pour ressources l’humour, le sarcasme, la naïveté, les citations, la réflexion, la satire, le conseil, et même les petits dessins. Ayant appris l’art d’écrire dans Mme de Sévigné, Juliette Drouet devient une des plus grandes épistolières de la littérature française. Et en même temps non, parce que c’est une écriture privée. Contrairement à Delphine de Girardin ou George Sand, ou sa rivale Léonie Biard qui a publié le récit de son voyage au Spitzberg, Juliette Drouet ne se pense pas comme une femme de lettres. Tel n’est pas son statut social. Elle a écrit des souvenirs, et un gigantesque journal épistolaire, mais hors de toute destination éditoriale, avec l’homme de sa vie pour seul destinataire. C’est précisément cette indépendance complète à l’égard des codes et des genres littéraires qui confère à son écriture une liberté, une verve et une inventivité qui nous séduisent aujourd’hui.
Que représente-t-elle pour vous ?
Une personnalité attachante, romantique, romanesque, admirable : la capacité à tracer sa route hors des sentiers battus, à résister à la pression sociale, l’instinct sûr de sa bonne étoile, une force d’âme à toute épreuve, l’obéissance aveugle à la seule loi de l’amour, l’aspiration au bonheur dans le dévouement et l’accompagnement de la création.
Quelle méthode avez-vous mise en œuvre pour écrire cette biographie ?
Le défi était de combiner la rigueur scientifique – donc de tout vérifier à la source, en ne tenant rien pour acquis et en remontant à l’archive – et l’agrément du récit : d’écrire comme un feuilleton une histoire entièrement vraie. J’ai voulu ne pas raconter seulement la vie d’une femme, mais aussi l’aventure d’un couple, et l’histoire d’un siècle.

Propos recueillis par Éric Dussert

Juliette Drouet, compagne du siècle
Florence Naugrette
Flammarion, 616 pages, 26

Un grand amour libre Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°239 , janvier 2023.
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