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Domaine étranger Au-delà des frontières

octobre 2022 | Le Matricule des Anges n°237 | par Camille Cloarec

Le recueil de nouvelles de Prajwal Parajuly nous fait pénétrer dans la réalité kaléidoscopique du sous-continent indien.

Aucune terre n’est la sienne

Aucune terre n’est la sienne est le deuxième ouvrage de Prajwal Parajuly à être traduit en français par Benoîte Dauvergne, après Fuir et revenir (Emmanuelle Collas, 2020). Originaire de l’État du Sikkim dans le nord-est de l’Inde, entre le Népal et le Bhoutan, l’auteur ancre son œuvre littéraire dans une géographie marquée par la délimitation, l’identité et l’ailleurs. La nouvelle éponyme se déroule ainsi dans un camp de réfugiés saturé de Bhoutanais d’origine népalaise expulsés au Népal : étant nés au Bhoutan et de langue maternelle népalaise, ils sont considérés comme n’appartenant ni à l’une ni à l’autre de ces nations. Anamika Chettri, une mère célibataire qui y survit péniblement avec son père et ses filles, subit au quotidien les quolibets et la violence des hommes. Impuissante à contrer leur éviction, elle nourrit un maigre espoir de faire partie des 60 000 personnes que les États-Unis ont promis d’accueillir. Ce même territoire américain constitue un mirage éblouissant qui semble atteindre l’ensemble des couches de la société. Dans « Folie passagère », un couple de la classe moyenne vieillit seul après avoir envoyé ses deux enfants de l’autre côté de l’Atlantique. Quant à la dernière nouvelle, « Les immigrés », elle se déroule à New York et dépeint la réussite sociale d’un Indien originaire de Darjeeling, dont les efforts acharnés pour s’intégrer coûte que coûte l’ont gratifié d’un travail à haute responsabilité, d’un appartement à Manhattan et d’une domestique allemande (puisque « la plus grande aspiration de l’homme non blanc est d’embaucher des domestiques blancs »). Un élément central manque à ce tableau idéal : une prolongation de son titre de séjour, sur le point d’expirer.
Rien n’est jamais acquis. Les personnages décrits par Prajwal Parajuly travaillent souvent de manière acharnée : ainsi en va-t-il pour le tout jeune Rajiv, sur lequel repose le quotidien précaire de la maisonnée entière (« Bénédiction manquée »). De même, la servante dont il est question dans la nouvelle « Bec-de-lièvre » trime depuis ses 8 ans, espérant que sa patronne lui financera une tant promise opération de chirurgie faciale. Enfin, l’avenir de Munnu, un épicier musulman bien implanté dans son quartier, se trouve menacé après avoir révélé les larcins à répétition commis par la fille d’un des plus grands avocats de la ville (« Un sujet qui fâche »). La fragilité des destins et des succès est d’autant plus prononcée pour les pauvres, qui sont dans l’incapacité de franchir ce « gouffre séparant les personnes bien nées des plus modestes ». Et pour les femmes qui, peu importe leur statut social, doivent plutôt tôt que tard intégrer leur infériorité, comme c’est le cas de Supriya qui s’exprime soudain « comme une femme qui avait mûri, pris du recul et réalisé que les personnes de son sexe occupaient une place secondaire parmi leur communauté » (« Itinéraire d’un père »). Il faut dire que les coutumes jouent presque toujours en leur défaveur : enfermées lors de leurs premières règles, sujettes à des mariages arrangés, tributaires du système de dots, elles sont soumises à des injonctions permanentes et multiples.
Riche de tradition, défini par la pluralité (de religions, de langues, de destins), hanté par la volonté individuelle et démesurée de réussite, le sous-continent indien s’incarne dans chaque nouvelle du recueil. Ce format court dans lequel il excelle permet à l’auteur de jongler avec les points de vue, les tonalités de narration et les espaces géographiques. L’univers qu’il nous restitue avec tendresse et justesse est mouvant, tout en contraste et immanquablement attachant.

Camille Cloarec

Aucune terre n’est la sienne
Prajwal Parajuly
Traduit de l’anglais (Inde) par Benoîte Dauvergne
Éditions Emmanuelle Collas, 280 pages, 20

Au-delà des frontières Par Camille Cloarec
Le Matricule des Anges n°237 , octobre 2022.
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